Génies, apôtres et démons des sciences naturelles dans la littérature du XIXe siècle

International audienceParallèlement à l’essor des sciences naturelles naît un véritable culte de la personnalité des naturalistes les plus célèbres. Buffon est célébré par Delille dans L’Homme des champs en 1800, tandis que Balzac salue le génie de Leibniz, Buffon, ou encore de Charles Bonnet dans son avant-propos de La Comédie Humaine paru en 1855. Quant à Nodier, il fait le discours d’inauguration de la statue de Cuvier en 1835 à Montbéliard. L’admiration des écrivains se manifeste aussi bien par l’évocation directe dans les textes ou par la consultation scientifique. Delille déjà demande à Cuvier de réaliser les notes scientifiques de son ouvrage Les Trois Règnes de la nature, paru en 1808. Plus tard Flaubert consulte Georges Pouchet pour Bouvard et Pécuchet, alors que Zola interroge Edmond Perrier pour la rédaction de La Joie de vivre. Le naturaliste semble incarner aux yeux des littéraires le savant par exemple, plus que le mathématicien, le physicien ou le chimiste. Cette admiration ne s’expliquerait-elle pas par le rapport que le naturaliste entretient avec l’écriture ? En effet, la pratique des sciences naturelles du XIXe siècle est étroitement liée à l’écrit : nomination des espèces, publication des résultats, mais aussi écriture de l’histoire des sciences. Les naturalistes créent eux-mêmes cette dernière discipline, nécessaire pour le positionnement de leurs travaux, que ce soit épistémologiquement, mais aussi réflexivement. Ils sont ainsi les premiers à entretenir un culte de leurs prédécesseurs.Dès le milieu du XIXe siècle, la critique de la science, surtout de nouvelles recherches, fait émerger une figure négative du savant. Darwin est directement pris pour cible, mais aussi Haeckel ou encore Vogt. Rejet des idées, nationalisme ou critique du positivisme : les raisons sont très variées. Ainsi, la mise en fiction de grandes personnalités des sciences naturelles ne témoignerait-elle pas de la création d’un idéal scientifique propre au XIXe siècle