Effets de la prédation sur l’évolution des cris des jeunes oiseaux, I.

Partant de la remarque que les cris des jeunes Oiseaux nidi coles, à la sortie du nid, sont difficiles à entendre et à localiser par l’oreille humaine, les auteurs ont émis l’hypothèse que la structure acoustique de ces cris aurait évoluée de telle sorte qu’ils seraient mal perçus par le prédateur éventuel. Cette hypothèse a été testée expérimentalement en comparant les réactions de Carnivores vivants à des séries de cris variés d’une même espèce d’Oiseau, tels que chant, cris d’alarme, et cris de jeune, émis à une puissance identique par des magnétophones. Les espèces suivantes ont été testées : le Moineau domestique Passer domesticus, l’Alouette Alauda arvensis, le Merle Turdus merula et le Bruant Emberiza calandra. Dans une première série d’expériences, un Chien préa lablement conditionné fut placé devant un problème de choix, impliquant une sélection entre les divers cris d’une même espèce, émis simultanément. Une deuxième série d’expériences fut faite avec un Tayra, conditionné et laissé libre de courir à sa guise dans une futaie. Le test consista alors, avec les mêmes émissions et toutes conditions étant égales par ailleurs, à déterminer la distance à laquelle ce Mustélidé manifestait par son comportement qu’il avait entendu l’émission sonore (cris divers d’adultes et cris de jeunes). La troisième série d’expériences fut faite avec un Renard non conditionné, mais qui se dirigeait spontanément vers la source de l’émission. Enfin, la quatrième série fut effectuée avec un Chien endormi et un Tayra en train de jouer. Ces expériences ont donné des résultats concordants qui vérifient l’hypothèse initiale. Comparé à celui des cris d’alarme, le pouvoir réactogène des cris de jeunes est très faible. Dans le choix proposé au Chien, à partir de trois cris d’une même espèce, émis à même puissance et simultanément, le Chien choisit presque tou jours de se diriger vers l’émission d’un cri d’adulte. De même, le Tayra en train de jouer, ou le Chien en train de dormir, ne réa gissent pas au cri de jeune, alors qu’un cri d’adulte de même puis sance les fait immédiatement accourir. Tant chez le Renard que chez le Tayra, les cris de jeunes ne sont pas entendus, ou s’ils le sont, c’est à courte distance. Comme il fallait s’y attendre, la valeur réactionnelle relative des divers cris d’une même espèce varie grandement d’une espèce à l’autre. Cette différence paraît faible chez l’Alouette, dont les divers cris émis à terre ont tous un faible pouvoir réactogène vis-à- vis du Carnivore. Par contre, la différence est forte chez le Merle et le Bruant. Le Tayra, par exemple, entend les cris d’adultes à une trentaine de mètres, alors que les cris de jeunes, à la même puissance, ne sont entendus qu’à quelques mètres, voire pas du tout pour le Bruant. Certaines expériences tendent à montrer que les cris de jeunes sont, en fait, perçus par le Carnivore, mais que la réaction motrice du prédateur n’est pas (ou est peu) sollicitée, alors que les cris d’alarme la déclenchent facilement. Cette différence de réaction ne serait donc pas due à un défaut de perception des cris, mais plutôt à un « filtrage » des stimulus. Ce tri, s’exercerait à partir de structures acoustiques particulières, différentes suivant qu’il s’agit de cris de jeunes ou de cris d’adultes. Dans un travail en cours, nous essayons de déterminer quels sont les paramètres dans les cris de jeunes qui conditionnent leur faible pouvoir réactogène vis-à-vis des prédateurs qui se dirigent à l’ouïe.Based on the premise that the call of a fledgling passerine is difficult to locate by ear, the authors have formulated the hypo thesis that these vocalizations evolved to make perception and location difficult for the potential predator. To test this hypo thesis various vocalizations (adult song and alarm call, fledgling call) of four different species of birds (english sparrow, lark, blackbird and corn bunting) were played back at the same volume to three carnivorous mammals : a dog, a Tayra and a Red Fox. In a preliminary series of experiments, a preconditioned dog • was subjected to a multiple choice experiment in selecting one sound from the bird’s vocal repertoire emitted simultaneously through a loudspeaker. A second series of experiments was made with a pet Tayra let loose in a wood. This test attempted to establish the distance at which the Tayra shows, through its behavior, perception of the bird’s vocalizations, both adult and/or fledgling. A third series of experiments was held with a non-conditioned Red Fox which was spontaneously attracted by all the vocaliza tions. Finally, a fourth series was conducted in the presence of a sleeping dog and, separately, a Tayra engaged in play. The results of these experiments confirmed the validity of the initial hypothesis. When comparing the alarm call to the fled gling call, the latter elicits little reaction from the mammalian predator. In the choice experiment where the bird vocalizations were simultaneously emitted at the same volume, the dog almost invariably selected the adult calls. Even when the dog was asleep and the Tayra playing, both reacted to adult but not to fledgling calls. As surmised, the different bird calls had a widely different response elliciting power. The Lark’s whole repertoire had a low level of response for the predator tested, while the Blackbird and the Corn Bunting had a high one. Some experiments tend to demonstrate that the fledgling call may be perceived by the Carnivore, but does nos trigger a preda tory response. This is obviously due to some cortical « filtering mechanism » rather than to an inability to perceive certain sound patterns. Further experiments will have to establish the parame ters of the fledgling calls which are responsible for the low pre dator response level