Fermeture active expiratoire des voies aériennes supérieures au cours de l'oedeme pulmonaire lésionnel chez l'agneau

Chez l'homme, le freinage expiratoire du débit aérien par fermeture active du larynx est un phénomène physiologique au cours des premières heures de vie extra-utérine. Les maladies respiratoires néonatales s'accompagnent d'une majoration de ce phénomène, qui devient audible sous la forme du classique geignement expiratoire. L'hypoxie fréquente dans ces situations a longtemps été tenue pour responsable de ce phénomène. Cependant, la responsabilité de l'hypoxie est remise en question depuis que nous avons démontré chez l'agneau qu'elle n'entraînait pas de freinage actif expiratoire (Fi02=8%, 15 min). Par ailleurs, nous avons récemment démontré chez l'agneau que l'œdème pulmonaire lésionnel entraînait une fermeture active expiratoire de la glotte par contraction du muscle thyroaryténoïdien, adducteur des cordes vocales. La fermeture des voies aériennes supérieures est-elle limitée à l'adduction des cordes vocales, ou cette réponse est-elle plus large impliquant d'autres muscles? En particulier, quel rôle joue le muscle constricteur inférieur du pharynx à la fois adducteur du pharynx et du larynx? Les buts de cette étude étaient de 1) Décrire l'activité électromyographique du constricteur inférieur du pharynx en conditions de base chez l'agneau. 2) Rechercher si l'œdème pulmonaire lésionnel modifiait son activité électromyographique. 3) Observer quelle influence l'hypoxie pouvait avoir sur cette activité. Protocole expérimental: Nous avons pour cela étudié 7 agneaux sans sédation âgés de 8 à 20 jours de vie. Le débit respiratoire (masque facial + pneumotachographe), les gaz sanguins artériels (cathéter artériel) et l'activité électromyographique du muscle thyroaryténoïdien, un adducteur de la glotte et du constricteur inférieur du pharynx, ont été enregistrés avant et après induction d'un œdème pulmonaire lésionnel par injection d'halothane intraveineux (0.05 ml/kg). Résultats: En conditions de base, les agneaux n'avaient à l'expiration ni freinage du débit aérien, ni activité du muscle thyroaryténoïdien. Par contre, on observait une contraction phasique expiratoire du constricteur inférieur du pharynx. Après l'injection d'halothane, nous avons observé: 1) dans les premières secondes, une apnée transitoire, d'une durée de 15 secondes à 5 minutes avec activité électromyographique continue du muscle thyroaryténoïdien et du constricteur inférieur du pharynx (6/7 agneaux). 2) puis une reprise ventilatoire régulière, mais avec le développement progressif, en 30 minutes, d'une fermeture active expiratoire des voies aériennes supérieures avec contraction expiratoire des muscles thyroaryténoïdien et constricteur inférieur du pharynx. Cette réponse a ensuite persisté durant toute la période d'observation (2 à 5 heures). A noter qu'un agneau est décédé au décours immédiat de l'injection malgré des manœuvres de réanimation effectuées chaque fois que nécessaire (6 agneaux). Après l'injection d'halothane, les agneaux avaient une période transitoire d'hypoxie et d'acidose. Cependant, le retour à la normale de la Pa02 (spontanément ou avec administration d'oxygène) et du pHa ne modifiait pas la dynamique des voies aériennes supérieures au cours de l'œdème. La présence d'un œdème pulmonaire lésionnel a été confirmée par l'examen postmortem des poumons (macroscopie et microscopie optique) ainsi que par la mesure des rapports poids de poumon / poids du corps et poids de poumon humide / sec. En conclusion, l'œdème pulmonaire aigu induit par halothane intraveineux entraîne une fermeture active expiratoire laryngée et pharyngée chez l'agneau sans sédation. Nous émettons l'hypothèse que cette fermeture active expiratoire des voies aériennes supérieures pourrait permettre d'augmenter le volume pulmonaire de fin d'expiration. Ceci pourrait améliorer les échanges gazeux alvéolo-capillaires en réouvrant des alvéoles atélectasiées et en favorisant la redistribution du liquide d'œdème interstitiel vers des zones ne participant pas aux échanges gazeux telles que les manchons péribronchovasculaires