La bougie silencieuse de György Kurtág et Andreï Tarkovski

International audienceLe Lebenslauf, le « cours de la vie », est sans doute la référence hölderlinienne qui ne quitte jamais la musique de György Kurtág, ni la manière que le compositeur a d’enseigner la musique – actes de composition et d’interprétation chez lui indéfectiblement liés, telles les « lignes de la vie » (Die Linien des Lebens) qui, « diverses » (verschieden), demandent à être suivies pour en repérer les croisements. Comme chez le réalisateur russe Andreï Tarkovski, la vie et l’œuvre sont conjointes, inséparables, et elles servent un art en permanence autobiographique qui est en prise avec une réflexion sur le silence et le langage. Pour creuser cette proximité entre Kurtág et Tarkovski, le propos s'axe sur deux pièces de Kurtág issues de Signs, Games and Messages (Signes, jeux et messages) : Virág – Zsigmondy Dénesnek (Une fleur pour Dénes Zsigmondy) …in memoriam Anneliese Nissen-Zsigmondy et In memoriam György Kroó, ainsi que des scènes issues des deux derniers films de Tarkovski, Nostalghia et Le Sacrifice – et notammant la scène de la bougie de Nostalghia, que le compositeur convoque comme un "symbole" en master class pour guider l'interprétation des pièces dédiées à Zsigmondy et à Kroó. Enfin, la fragmentation du temps est évoquée à travers les fragments-fleurs, fréquents chez Kurtág et qui semblent posséder la particularité que Tarkovski accordait au plan cinématographique, qu’il définissait comme la « captation du temps » (et en même temps sa capture), marquant ainsi la capacité du plan(-séquence) à enfermer, à fixer le déroulement qui se trouve pris dans une temporalité propre au découpage fragmentaire