Conte, Histoire, et stratégies préfacielles : l’acte de naissance d’un genre littéraire

International audienceLes textes préfaciels introduisant les premiers recueils de contes de fées de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe s’adonnent, suivant un usage répandu, à l’éloge d’un prestigieux dédicataire. Loin de considérer que le propos encomiastique y est de pure forme et d’en dénigrer l’insignifiance, on se propose au contraire d’en considérer ici la lettre pour en dégager les effets, qui structurent le rapport paradoxal du conte merveilleux et de l’Histoire. En effet, si les auteurs s’autorisent de l’Histoire pour tordre les chronologies, flouter les frontières entre réalité et fiction, c’est d’abord parce que, dans ces temps où la querelle des Anciens et des Modernes est entrée dans une phase très belliqueuse avec le duel Perrault-Boileau, l’allégeance à l’Histoire a pour fonction de légitimer le genre moderne, lui ouvrir les portes de l’histoire littéraire. L’article examine tout d’abord les stratégies auctoriales déployées dans quelques textes préfaciels : l’épitre dédicatoire des "Contes et histoires du temps passé" (C. Perrault), la préface et la dédicace de "La Tour ténébreuse et les jours lumineux" (M.-J. Lhéritier) et la dédicace des "Contes des fées" et "Nouveaux contes des fées" de M.-C. d’Aulnoy). Mais au dithyrambe pourrait bien être dévolue une autre fonction. Si les références au temps sont très nombreuses dans ces contes de la fin du règne, les allusions précises à des événements historiques y figurent en nombre limité. Sous l’éloge royal de circonstance se dissimule alors, fort prudemment, le blâme. Dans certains contes de M.-C d’Aulnoy et C.-R. de Caumont La Force, une contre-histoire du règne louis-quatorzien se construit par éclats. Dans la figuration discrète de quelques sombres aspects du règne ou pratiques contemporaines, c’est aussi l’effacement – relatif – de la figure royale qui se projette et se fantasme