Les grèves, les violences et la révolution : conflit et nationalisation dans la Sicile de la fin du 19ème siècle

Introduction : deux mots sur les forces de police italiennes entre 1861 et 1914 (Pubblica Sicurezza, Carabinieri et Arm\ue9e), pour clarifier de quoi on parle. Apr\ue8s : la localisation de la s\ue9curit\ue9 publique de l\u2019Unit\ue9 Nationale jusqu\u2019\ue0 la Premi\ue8re Guerre Mondiale et la localisation aussi des Carabinieri et Soldats en Sicile entre 1896 et 1897 (exactement comme j\u2019ai fait l\u2019ann\ue9e derni\ue8re). Premi\ue8re partie - le conflit en tant que \uab Id\ue9es \ubb : en mars 1896 l\u2019arm\ue9e italienne en Afrique, sp\ue9cifiquement \ue0 Adoua, est vaincue par les Ethiopiens. Cons\ue9quemment, Francesco Crispi, pr\ue9sident du Conseil, est forc\ue9 \ue0 resigner ses d\ue9missions. Pendant les jours juste avant et juste apr\ue8s la d\ue9faite, le chef de police (Questore) de Palerme parle d\u2019une imminente r\ue9volution et le pr\ue9fet de la ville fait la m\ueame chose. Je d\ue9construirais les rapports du Chef de Police et du Pr\ue9fet en lisant ce que ses subordonn\ue9es disaient : ils ne pouvaient pas trouver les r\ue9publicains, les socialistes, les anarchistes et les cl\ue9ricaux qui, selon le Chef de Police, \ue9taient sur le point de d\ue9clencher la r\ue9volution ; je parlerais donc bri\ue8vement des confidents de la s\ue9curit\ue9 publique en d\ue9voilant que les voix d\u2019une r\ue9volution \ue9taient r\ue9pandues par eux. Enfin, soit le Chef de Police, soit le Pr\ue9fet, ils savaient bien qu\u2019aucune r\ue9volution n\u2019\ue9tait en pr\ue9paration, mais ils r\ue9pandaient ces voix pour obtenir plus d\u2019agents de s\ue9curit\ue9 publique, plus de soldats et plus de Carabinieri, que le nouveau pr\ue9sident du Conseil (Antonio Di Rudin\uec) \ue9tait bien pr\ueat \ue0 envoyer en Sicile. \uf0e0 Donc : le conflit fabriqu\ue9 pour obtenir des forces de police en plus, pour avoir, avec la potentialit\ue9 d\u2019une possible r\ue9pression, plus de force pour \ueatre consid\ue9r\ue9 dans l\u2019\ueele comme un interlocuteur puissant. Deuxi\ue8me partie \u2013 le conflit en tant que quelque chose absolument \ue0 \ue9viter par les forces des polices au cours des gr\ue8ves : dans cette partie je parlerais de la gestion de l\u2019ordre public pendant les gr\ue8ves des mineurs \ue0 Caltanissetta et Girgenti, comme j\u2019ai fait l\u2019ann\ue9e derni\ue8re. Je me focaliserais sur la \uab solitude \ubb des fonctionnaires de s\ue9curit\ue9 publique, forc\ue9s \ue0 travailler ensemble aux autres forces de police, et aux soldats, et pr\ueats \ue0 m\ue9dier entre les entrepreneurs et les ouvriers pour \ue9loigner la possibilit\ue9 des conflits. Dans cette partie je me focaliserais sur les pratiques adopt\ue9es par les forces de police et donc sur ses capacit\ue9s de m\ue9diation. Troisi\ue8me partie \u2013 le conflit en tant que quelque chose qui a effectivement lieu : c\u2019est au niveau des luttes politiques locales que la capacit\ue9 de m\ue9diation des fonctionnaires de s\ue9curit\ue9 publique est mise \ue0 l\u2019\ue9preuve. En soulignant une autre fois que les fonctionnaires de s\ue9curit\ue9 publique (s.p.) n\u2019avaient pas des agents de s.p. dans la majorit\ue9 de villes o\uf9 ils \ue9taient, je d\ue9crirais des conflits locaux tr\ue8s violents qui ont lieu dans la province de Catania (c\u2019est-\ue0-dire dans la partie orientale de l\u2019\ueele) : \ue0 Caltagirone (sous-pr\ue9fecture), \ue0 Giarre (ville de 18.000 habitants \u2013 sans agents de s\ue9curit\ue9 publique), \ue0 Patern\uf2 (17.000 habitants) les conflits entre factions locales sont tr\ue8s violents et souvent c\u2019est \ue0 partir de l\u2019incapacit\ue9 des fonctionnaires \ue0 servir d\u2019interm\ue9diaire entre les partis \ue0 faire commencer les violences ; souvent les officiaux de police prennent le parti d\u2019une faction ou d\u2019une autre et, en n\u2019ayant pas des agents directement subordonn\ue9es, ils doivent chercher des compromis avec les \ue9lites locales, toujours pr\ueates \ue0 accuser le Gouvernement d\u2019avoir utilis\ue9 les fonctionnaires pour r\ue9primer la libre expression de la \uab volont\ue9 populaire \ubb : une accusation facile \ue0 exprimer parce-que les fonctionnaires \ue9taient totalement des agent de l\u2019\uc9tat, pay\ue9 par l\u2019\uc9tat ; m\ueame s\u2019ils \ue9taient souvent partisans d\u2019une faction ou d\u2019une autre, c\u2019\ue9tait plus facile et utile pour les \ue9lites locales, pour se d\ue9responsabiliser, d\u2019accuser l\u2019\uc9tat d\u2019avoir confi\ue9 la mission de faire triompher un parti ou un autre, plut\uf4t que parler de la violence encourag\ue9 par les notables locaux m\ueames. Si \ue7a, selon moi, est vrai, il faut aussi dire que ces violences, ces conflits \ue9taient aussi un moyen pour nationaliser les populations : les luttes locales n\u2019\ue9taient pas seulement au niveau d\u2019une ville ou d\u2019un village ; la pr\ue9sence des forces policiers de l\u2019\uc9tat - dans des lieux o\uf9 la violence entre factions \ue9tait tr\ue8s forte - \ue9tait quelque chose d\u2019important. Cette pr\ue9sence d\u2019un agent, ou plusieurs, de l\u2019\uc9tat, avec lequel il fallait parler ou contre lequel il fallait se battre, projetait les luttes locales \ue0 un niveau plus \ue9lev\ue9, en for\ue7ant les populations des villages \ue0 consid\ue9rer aussi la politique nationale et ce Gouvernement auquel le fonctionnaire devait r\ue9pondre