Tijiri, la naissance sociale d'une maladie

Les représentations populaires africaines en matière de santé et de maladie sont en général analysées en tant que "traditionnelles", déjà là, inscrites dans une culture préexistante. Les changements sont alors imputés aux effets de la médecine moderne. On propose ici, au contraire, une étude de représentations "émergentes", qui sont cependant extérieures aux messages sanitaires et prennent en défaut les professionnels de la santé. Les paysans d'un village du Niger nomment et décrivent ce qui leur apparaît comme une "nouvelle maladie", laquelle n'a pas été détectée par les services de santé de la zone. Leur démarche est pragmatique. Dans le doute, face aux origines du mal et en l'absence de traitement efficace, ils n'émettent pas d'hypothèses étiologiques mais procèdent à une lecture sémiologique et nosographique très détaillée. Ces opérations logiques doivent être situées dans le rapport "objectif" des populations à la "maladie" en question. Les représentations populaires sont en effet, dans le domaine de la santé et de la maladie, confrontées à un "dispositif" extérieur qui leur sert de référence et de contexte, dispositif dont on peut relever au moins trois variables : la prévalence, l'existence ou non d'un traitement plus ou moins efficace et l'expression clinique ou le "phénoménal" de la maladie. On ne peut abstraire le "sens d'un mal" du dispositif de ce mal. (Résumé d'auteur