Carmen: étude d'une catégorie sonore romaine

International audienceComment le terme carmen a-t-il pu désigner une catégorie sonore et évoluer dans les langues romanes vers la notion de « charme » ? Comment expliquer qu’un terme voisin, cantus, soit à l’origine de la notion de « chant » ? Où se situe la rupture entre deux mots pourtant issus d’un même verbe : canere ? Le monde sonore des Romains diffère du nôtre. Les oiseaux, les instruments à cordes et à vents, les êtres humains « chantent ». Nous découvrons cependant que « chanter » n’est jamais à strictement parler « chanter ». Le carmen est toujours pourvu d’effets contraignants : une musique peut entraîner une armée, dissoudre les forces ou conduire à la folie. Un chant d’oiseau est bien souvent un oracle inéluctable. C’est pourquoi, le même mot désigne également une incantation, un serment ou une loi : son énonciation est une machine redoutable, qui à l’instar du son d’une trompe, agit par elle-même, quel que soit son sujet. Une parole dangereuse donc, qui à l’inverse des discours, ne suscite aucun dialogue : les effets du carmen sont automatiques et non négociables