L'Edith Piaf du Nouveau Roman? Marguerite Duras et le roman sentimental

International audience« Duras ? Mais oui, c’est la Piaf du Nouveau Roman ! ». Cette formule percutante et drôle est attribuée à Alain Robbe-Grillet par un critique littéraire à l’occasion de la publication du "Ravissement de Lol V. Stein" en 1964. Sans préjuger du caractère laudatif ou restrictif d’une telle définition dans la bouche de l’auteur de "La Jalousie", elle pose incontestablement problème. Par-delà le trait d’humour, elle est révélatrice en effet de la réception compliquée de l’œuvre de Marguerite Duras, tout au long de sa vie littéraire et encore aujourd’hui, alors même que cette œuvre est consacrée par son entrée dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Elle pose, sous son apparente légèreté, plusieurs questions importantes, non seulement sur l’œuvre de Duras dans son rapport avec le roman sentimental, mais plus largement sur le statut des femmes écrivains dans le champ littéraire. C’est une formule plus complexe qu’il n’y paraît, à double détente, qui mérite que l’on essaie d’en démêler les significations explicites et implicites, avant de prendre pour exemple "Le Ravissement de Lol V. Stein" et d’examiner les rapports que ce roman entretient avec le genre du roman sentimental