L'objet du témoignage

International audienceLe témoin n'est pas simplement un autre nom de l'homme après le sujet et après le Dasein, mais il indique une nouvelle compréhension de l'essence de l'homme à partir de son ouverture à l'infinité. Le témoignage est alors bien autre chose qu'un mode déficient de la connaissance. Il vient de l'homme engagé dans le monde et l'objet du témoignage est précisément ce qui résiste au pouvoir d'identification. Ainsi le témoignage n'est pas une simple narration objectivante, mais doit se comprendre comme un acte de la personne toute entière qui s'expose à l'inimaginable du réel. Il y a alors une gravité du témoignage, car c'est l'objet lui-même qui fixe les règles de son approche. Une eidétique du témoignage cherche à montrer: premièrement l’objet du témoignage en nous saisissant avant qu’on ne le saisisse, en nous conduisant à témoigner à partir de ce qui s’impose à nous hors de toute attente, nous libère pour la liberté concrète dans le monde. Deuxièmement, l’objet du témoignage portant en lui une injonction irréductible aux actes d’objectivation, il rend le témoignage insubstituable et fait époque dans la vie de la personne. Troisièmement, l’événement dont on témoigne ne manifeste pas d’emblée un sens et en imposant une rupture de l’intelligibilité quotidienne, il sollicite le témoin qui accepte de se laisser enseigner par l’expérience dans une attitude qui n’est pas de neutralité mais de retrait. Quatrièmement, l’objet du témoignage m’arrache à moi-même et me confie une identité d’exil et en cela le témoignage est un mode d’existence propre où la personne s’individue absolument. Enfin, cinquièmement, l’infini qui s’impose en nous comme une injonction converti notre finitude en espace de révélation de l’absolu et notre fragilité en force de parole. Texte repris dans une version modifiée dans "L'intériorité d'exil. Le soi au risque de l'altérité", Paris, Cerf 2008