Régime(s) de paix, régime(s) de guerre : évolution et complexité des régimes d’exception en droit international

International audienceL’idée de l’inadéquation du droit commun – sinon du droit lui-même – aux situations de violence est ancienne. Un temps tenu pour caduc, l’argument est aujourd’hui réhabilité à la suite d’une série d’épisodes terroristes d’une ampleur tenue pour inédite. Ce discours de l’exception atteint d’ailleurs son paroxysme quelques jours après les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015. À la tribune du Congrès, le Président de la République déclare que « la France est en guerre ». L’affirmation va être répétée de part en part de l’Assemblée nationale, au point que le questionnement même de la validité de l’assertion est dénoncé par certains responsables politiques comme une « trahison ». Le débat académique serait, de ce point de vue, en rupture avec la lumineuse et univoque vérité du monde : « [l]a guerre était déclarée mais nos beaux esprits ne pouvaient pas la voir ». L’affirmation, évidemment, n’a rien de neutre. Invoquer la guerre, c’est invoquer l’exception suprême. C’est faire jaillir l’idée de l’inadéquation du droit commun. C’est rêver aussi, peut-être, d’un droit plus conciliant – sinon plus propice à assurer les conditions de la victoire. En contrepoint de ces affirmations bellicistes, d’autres auteurs, soucieux de préserver les principes d’un État de droit tenu pour irréconciliable avec les régimes d’exception, multiplient les tribunes récusant le qualificatif. Plus que les conclusions, qu’il convient de laisser à chacun, c’est l’existence même du débat qui interpelle. Voilà réhabilitée l’opposition ancestrale de la guerre et de la paix. Chacun se précipite devant le temple de Janus, et se trouve comme étonné d’en voir, en rupture avec la symbolique antique, les portes seulement entrouvertes. Car l’opposition radicale de la guerre et de la paix – à supposer même qu’elle ait eu un jour le sens fantastique que lui a parfois prêté la doctrine – a été profondément transformée et affaiblie dans la seconde moitié du 20e siècle. Le régime juridique de la violence de guerre s’est complexifié, de sorte que l’identification du régime juridique applicable à une situation de violence donnée relève désormais souvent de la gageure