Dessus-dessous du funambule, deux histoires représentées

International audienceCette contribution s’est construite autour de deux choix méthodologiques établis en amont de toute confrontation aux sources. Le premier s’inscrit dans le cadre de la mission « centre de ressource et de recherche du Cnac » (site Cnac), visant à exploiter exclusivement des corpus in situ à cette institution. Le second correspond à une volonté d’analyser des corpus iconographiques, qu’ils soient affiches, gravures ou autres dessins. Conscients des limites inhérentes à ces choix, en termes de représentativité ou de biais des corpus (Revue XXe Siècle, 2001), ces derniers sont constitués de livres d’affiches présents au centre de documentation du CNAC, d’une partie du fond Pascal Jacob et de la totalité des affiches produites par le CNAC depuis sa création. De façon marginale, ils sont complétés par quelques bandes dessinées. Alors que le total des représentations consultées dépasse le millier, le corpus final retenu s’articule autour de la présence d’un fil dans la représentation (Denis, 1999). Par exemple, seulement 3 à 5 % du fond Pascal Jacob ont été retenus. C’est alors plus d’une centaine de représentations, couvrant principalement le 19e et le 20e siècle, qui sont passées aux filtres de l’analyse historique (Michaud, 2001). Ponctuellement, des sources plus anciennes ou plus contemporaines peuvent être conviées. Le cadre théorique de la sémiologie développée par Roland Barthes (1964) et la méthodologie de Bessalel guident notre démarche historique (Panofsky, 1967 ; Vivier & Loudcher, 2012)En quoi ces représentations peuvent-elles servir la compréhension de l’histoire culturelle des funambules ? Sans rapporter ici les fondements de l’histoire culturelle (Rioux & Sirinelli, 1997 ; Ory, 2011) et la force de l’iconographie pour dire l’histoire (Gervereau, 1998 ; Pierrot, 2002), on peut toutefois rappeler que ces représentations sont inscrites dans des contextes d’énonciation particuliers, qui renseignent tout autant l’histoire du fil dans l’univers circassien que celles des modes de vie, lieux ou publics qui s’y rapportent (Delporte, 2008). C’est alors une multitude de thématiques historiques qui peuvent être explorées, qu’elles soient relatives au genre, au corps, aux techniques, aux symboles, etc. L’idée est alors d’utiliser la ligne de rupture dans l’image, constituée par le fil, pour repérer au-delà des techniques du funambule, les mondes du dessus et du dessous et les univers construits pour traiter une partie de ces thématiques. Les premières hypothèses viseraient à montrer que la présence du funambule est variable dans les représentations du cirque au profit du fildefériste. Parallèlement, les connotations des univers du dessus et du dessous sont très différentes : les premières se rapportent tantôt aux techniques (Vigarello, 1988), à la prise de risque de l’artiste ou l’expression d’une surpuissance sur des ancrages improbables ; les secondes mettent en évidence l’évolution des publics, des lieux et environnements de la performance réalisée. La richesse de l’analyse réside également dans la comparaison thématique, à l’instar des corps, du costume ou du vêtement, de ces deux niveaux. Cette contribution met ainsi à jour, a minima, deux histoires où le corps de l’artiste est souvent en contrepoint de ceux qui l’entourent (Corbin & col, 2005), et recouvre aussi une forme de réflexion épistémologique sur l’iconographie circassienne comme objet d’histoire dépassant la seule histoire du cirque que d’aucuns ont déjà faite