Quels enseignements tirer des sols néo-calédonien naturellement riches en métaux lourds

La pollution des sols par les métaux lourds engendre des dysfonctionnements importants au sein des écosystèmes, voire leur disparition et leur remplacement par des écosystèmes souvent peu diversifiés et fragiles qui ne remplissent plus l'ensemble des fonctions de l'écosystème d'origine. Afin de remédier ces pollutions, comprendre le fonctionnement d'écosystèmes prospérant sur des sols naturellement riches en métaux lourds constitue une source d'information de première importance. La Nouvelle-Calédonie (18 575 km2), un archipel localisé dans le Pacifique Sud dont le tiers de la surface est recouvert par des massifs ultramafiques peut largement contribuer à apporter ces réponses. En effet, ces massifs présentent des sols avec des conditions extrêmes, le syndrome "serpentiniques", caractérisés par l'omniprésence du fer (50% et plus), une faible teneur en éléments nutritifs majeurs (N, P, K), un fort déséquilibre du ratio Ca/Mg par un excès de magnésium et une forte concentration en métaux lourds, Ni, Cr, Co et Mn potentiellement toxiques sous un climat subtropical avec des périodes sèches et chaude alternants avec des périodes humides plus fraiches. Ces sols ont naturellement engendré au cours des temps géologiques (32 MA) des écosystèmes uniques qui présentent une biodiversité très importante avec un taux d'endémisme végétal supérieur à 75%, faisant de ce territoire un "hot spot" de la biodiversité floristique. Récemment, des travaux ont montré qu'en plus de leur diversité exceptionnelle, des espèces dominantes de ces écosystèmes (e.g.: Nothofagus, Tristaniopsis, Sannantha) présentaient la particularité de former des symbioses avec des champignons ectomycorhiziens eux aussi très diversifiés. Suite à ces travaux, une population de Pisolithus albus (champignon ectomycorhizien abondant en Nouvelle-Calédonie) a été collectée et caractérisée, à la fois sur sols ultramafiques et sols non-ultramafiques. L'analyse moléculaire (génotypage) et physiologique (tolérance au nickel utilisé comme marqueur métallique de l'ultramafisme) de cette population de P. albus a montré qu'elle était structurée en génotype correspondant à un écotype (ultramafique vs non-ultramafique). Des essais préliminaires d'inoculation de P. albus écotype ultramafique et tolérant au nickel ont été menés sur Eucalyptus globulus. Le comportement physiologique de la plante en présence de fortes teneurs en nickel a été étudié. Les résultats ont montré de façon significative que la symbiose ectomycorhizienne avec P. abus de l'écotype ultramafique permettait à la plante de s'adapter à des teneurs en nickel toxiques et équivalentes à celles des sols ultramafiques (1mM). Cet ensemble de résultats i) la dominance de la symbiose mycorhizienne sur sites riches en métaux lourds, ii) l'existence d'un écotype fongique adapté à la toxicité métallique, et iii) le rôle de cette symbiose dans l'adaptation d'une plante hôte à un des déterminants de l'ultramafisme (le nickel), confirment l'importance que peut revêtir l'introduction d'une symbiose mycorhizienne adaptée dans les stratégies de re-végétalisation de sites pollués par les métaux lourds. (Résumé d'auteur