Evolution du genre sexuel et de la diversité génétique dans une sucession primaire : l'étude d'Antirhea Borbonica (Rubiaceae) sur les coulées de lave à la Réunion

Les perturbations, d'origine anthropique ou naturelle, entraînent deux phénomènes : la destruction et la fragmentation des habitats. Alors que, la destruction des habitats cause des variations de milieu, modifiant ainsi les pressions de sélection locales sur les traits biologiques des espèces, la fragmentation modifie la taille et l'organisation spatiale des populations, ce qui peut altérer les flux géniques et la diversité génétique. A La Réunion, les coulées de lave du Piton de La Fournaise, entraînent la destruction et la fragmentation de l'habitat de la forêt tropicale humide de basse altitude. Cette situation est bien adaptée à l'étude de l'impact des perturbations sur l'évolution des traits biologiques et la diversité génétique. En effet, la colonisation par les espèces végétales constitue une série de succession primaire où le milieu est variable au cours du temps. L'objectif de cette étude est d'étudier la variabilité du système de reproduction et l'organisation spatiale de la diversité génétique en relation avec les processus écologiques associés à la colonisation et à la succession primaire. Antirhea borbonica est un arbre pionnier des coulées de lave qui persiste sur des stades tardifs de la succession. Cette espèce montre une variation dans l'expression de la dioécie en fonction du stade successionnel. Alors que sous l'effet de l'assurance à la reproduction ou du "seed shadow handicap", certains auteurs prédisent l'avantage à l'hermaphrodisme lors de la colonisation, notre étude montre un patron contradictoire à ces prédictions. Contrairement aux vieilles populations où les morphes pollinifères d'A. borbonica sont capables de fructifier, dans les jeunes populations les individus montrent une tendance à l'unisexualité. Nous avons montré expérimentalement que la capacité de fructification du morphe pollinifère était influencée par le niveau de ressources. Par ailleurs, nos résultats théoriques révèlent qu'en présence d'une compétition entre plantules, l'hermaphrodisme, même avec un fort taux d'autofécondation associé à une forte dépression de consanguinité, est favorisé quand les ressources du site augmentent. Ainsi, la plasticité du genre sexuel d'A. Borbonica pourrait représenter une forme de plasticité adaptative. Cependant, la contribution des morphes pollinifères via leur fonction femelle pourrait être négligeable chez cette l'espèce. A. borbonica semble fonctionner comme une espèce dioïque stricte dans toutes les populations échantillonnées. Ainsi, les fortes valeurs de Fis estimées à partir de marqueurs microsatellites ne trouvent pas d'explication dans le système de reproduction. Mais les processus associés aux successions primaires, à l'ornithochorie et à la dioécie, pourraient favoriser une structure spatiale agrégée des populations donc des croisements consanguins et un effet Walhund. (Résumé d'auteur