Les stratégies de diversification des revenus sur les grands aménagements hydro-agricoles sahéliens. Les cas de l'office du Niger au Mali et du delta du fleuve Sénégal

Les aménagements hydro-agricoles de l'Office du Niger et du delta du fleuve Sénégal symbolisent l'action d'Etats promoteurs d'un modèle normatif d'agriculture familiale intensive, protégé du marché par une gestion intégrée des filières et tourné vers la spécialisation rizicole. Ainsi le désengagement des Etats à partir de 1984 pose-t-il le problème d'une alternative pour poursuivre une production marchande construite cette fois sur l'accumulation privée. Or, si l'Office du Niger connaît un développement spectaculaire depuis 1993, les agriculteurs du delta du Sénégal évoluent dans un contexte de forte incertitude. Sur les deux terrains, pour conforter la dynamique agricole ou pour palier l'instabilité des revenus céréaliers, la diversification des revenus est largement constatée. Sa problématique est ainsi indissociable de celle de l'accumulation privée. Cette étude traite de cette question par l'interprétation des pratiques micro-économiques des exploitations sous l'hypothèse du caractère paysan des organisations domestiques. Elle recentre l'analyse sur les acteurs concrets de la production et renverse les présupposés de sur-détermination des comportements par les modes de gestion à l'échelle des périmètres irrigués. Des suivis budgétaires par individu, utilisant les méthodes de l'anthropologie économique, permettent la construction de schémas de gestion caractérisant les systèmes d'activités et les pratiques d'accumulation. Le recours à l'économie des organisations permet d'analyser les coordinations entre les centres de décision des concessions. Les groupes domestiques réalisent un équilibre entre les systèmes externe de règles de l'agriculture irriguée et interne de droits et d'obligations. Dans ces schémas les structures des activités productives induisent des domaines de choix spécifiques pour la prise de décision à tous les niveaux de la hiérarchie domestique. Il en résulte des stratégies de diversification des revenus et d'accumulation différenciées. Une analyse déductive à partir de ces schémas révèle enfin les interrelations entre les comportements paysans et les fonctionnements d'ensemble des périmètres irrigués. La prédominance de stratégies sécuritaires basées sur la centralisation de l'allocation des ressources au sein des concessions renforce les structures collectives et la réappropriation d'un modèle agricole intensif à l'Office du Niger. A l'inverse les stratégies défensives d'exploitations démunies se combinent dans le delta du Sénégal avec des logiques opportunistes rebondissant sur les dysfonctionnements collectifs et les instabilités de l'environnement. Il s'ensuit un entretien de l'incertitude qui, malgré une reprise en main récente par l'encadrement institutionnel via la fonction de crédit, grève l'intensification agricole au niveau méso-économique. Ces conclusions engagent à intégrer les logiques domestiques pour un accompagnement efficace des dynamiques de l'agriculture irriguée. (Résumé d'auteur