L'Allemagne peut-elle (doit-elle, veut-elle) assumer un leadership européen en matière migratoire?

La présente analyse soulève, de façon un peu provocatrice, la question d’un éventuel leadership de l’Allemagne en matière migratoire et post-migratoire. Elle questionne donc de façon critique la gouvernance migratoire de l’État d’Europe désormais le plus sollicité par la pression migratoire. Or les dynamiques migratoires qui traversent l’Allemagne dans les premières décennies du XXIe siècle ne se réduisent pas à un nouvel apport – exponentiel – de populations diverses et hétérogènes (réfugiés, demandeurs d’asile, migrants dits de pauvreté, mais aussi migrants hautement qualifiés). Elles se caractérisent aussi par les effets négatifs différés d’une immigration ancienne dans le pays de « non immigration » (Gastarbeiterrecrutés dans les années 1950-60, et leurs descendants dits « de troisième génération »), qui occupent largement l’espace médiatique. Où en est l’Allemagne, face à ce double défi (post) migratoire ? En dressant l’inventaire synthétique des avancées réalisées et des déficits persistants, la réflexion se veut aussi prospective. Tout en soulignant les lignes de front politiques et les particularités allemandes, elle met en exergue les similitudes (ouest-) européennes des problématiques, du débat sociétal, et du discours politique en matière migratoire. Ainsi, l’analyse critique questionne-t-elle en contrepoint la possible et nécessaire mise en œuvre d’une politique de partenariat au sein de l’Union Européenne, notamment sur la délicate question de l’asile. L’Allemagne qui se reconnaît et se veut aujourd’hui pays d’immigration peut-elle en assumer le pilotage politique, à l’échelle nationale et européenne ? Telle est la question centrale pour une société allemande au fond paradoxale, puisqu’elle n’échappe pas à la tentation de l’affrontement culturel (discours culturaliste versusaspirations d’ouverture), alors même que les avancées tant discursives que factuelles (depuis l’acte fondateur de la première loi d’immigration en 2005, grâce au préalable du nouveau code de la nationalité en 2000), n’ont jamais été aussi remarquables