Le dernier numéro : le discours autoréférentiel de fermeture des hebdomadaires d'information générale en Belgique francophone (1950-2000)

La recherche porte sur un corpus historique composé du dernier numéro édité par 52 hebdomadaires d'information générale belges francophones "décédés" après-guerre (1950-2000). Cela impose de définir deux concepts : celui de dernier numéro, et celui d'hebdomadaire d'information générale. Economiquement, l'analyse des divers processus de concentration de la presse montre qu'il existe une échelle de disparition des titres, allant de la disparition totale et définitive au maintien malgré l'absorption de la société éditrice, en passant par les changements de nom ou changements de périodicité. Editorialement, la détermination d'une série de traits propres à l'hebdomadaire d'information générale permet d'en cerner la personnalité au regard des catégories de publication vis-à-vis desquelles il est souvent comparé: le quotidien, le magazine, la presse spécialisée L'objectif final n'est pas d'enfermer l'hebdomadaire d'information générale dans une définition aux contours fermes, mais bien d'en souligner le caractère intrinsèquement hybride, partagé, de façon mouvante au gré des titres, entre les deux grands paradigmes de la presse écrite que sont le journal et le périodique. Pour cette raison, définir l'hebdomadaire d'information générale revient davantage à dresser une liste d'attributs qui, ensembles, en dessinent le portrait prototypique. On se retrouve alors face à une échelle en haut de laquelle se hissent les "meilleurs représentants" de l'HIG, tandis que plus bas, s'éparpillent des publications moins représentatives. Il faut également passer par la rédaction d'une histoire de la presse hebdomadaire belge francophone d'après-guerre. L'examen des sources et des (rares) travaux en la matière permet de tabler sur une cinquantaine de titres. Leur profil varie éditorialement (newsmagazine, illustrés, régionaux, satiriques) mais aussi, et bien sûr, diachroniquement. En cinquante ans, l'hebdomadaire d'information générale a évolué. Manipuler un hebdomadaire dûment estampillé "d'information générale" avant ou après l'avènement du magazine, par exemple, suffit à se convaincre de l'importance de cette histoire des origines et des évolutions du produit dans le temps. Enfin, l'analyse du corpus s'intéresse prioritairement à l'importance des procédés autoréférentiels à l'oeuvre dans la plupart des derniers numéros. Au dernier jour de leur publication, en effet, bon nombre de titres de presse n'hésitent pas à se mettre en scène à des niveaux divers : ils réfléchissent leurs propres énoncés (facs-similés), ils procèdent à des récits autobiographiques ou autocommémoratifs, ils autojustifient leurs choix antérieurs, ils font l'auto-promotion d'un futur produit promis Bref, ils reflètent l'énoncé, ils révèlent les mécanismes de l'énonciation, et ils disent qu'ils le font. Cette recherche génère de nombreux apports : histoire de la presse belge, méthodologie de classement appliquée aux titres de journaux, meilleure compréhension des phénomènes de concentration de la presse, définition du concept jusqu'ici flou d'hebdomadaire d'information générale et renouvellement de la compréhension des procédés d'écriture réflexive dans un champ médiatique où elle a été peu étudiée. Par ailleurs, elle permet de mieux cerner la représentation que se font les journaux et les journalistes de leur place dans la société. Et cela à un moment particulièrement douloureux : celui où ils brisent leur plume. De même qu'un mourant chuchote ses dernières vérités à l'oreille de celui qui le veille, se pencher sur les récits de (fin) de vie présents dans des dizaines de derniers numéros en révèle un peu plus sur la crise de l'information écrite généraliste.Doctorat en sciences sociales (Information et communication) (COMU 3) -- UCL, 200