Traces conceptuelles

Cet article entend montrer comment les notions de geste et de trace ont pu évoluer depuis l’action painting jusqu’à l’art conceptuel. L’action painting se distingua en mettant l’accent sur l’acte physique de peindre : la gestualité de l’artiste (la manière de déplacer son propre corps et de projeter de la matière sur la surface à peindre) prit une telle importance qu’elle devint constitutive de l’œuvre elle-même. Mais si les traces laissées sur la toile renvoyaient à l’action passée de l’artiste – à l’expressivité de son geste – elles demeuraient sinon le support de l’œuvre elle-même, du moins nécessaires à l’existence de celle-ci. Ainsi pour contempler les œuvres de l’action painting fallait-il encore se rapporter à leur actualisation matérielle. L’art conceptuel alla plus loin en proposant une dématérialisation du geste et une secondarisation de la trace : le geste perdit toute forme de sensualité pour n’être plus qu’une intention minimale (celle de communiquer une idée à un public) et les traces exposées par les Conceptuels abandonnèrent leur statut nécessaire et proprement artistique pour n’être plus que des indices (tangibles certes, mais purement secondaires) du projet de l’auteur. Le but de ce texte est de montrer combien ce processus de réduction du geste et de la trace, loin de refermer l’œuvre sur elle-même, augmenta son pouvoir performatif : signe d’une action passée, l’œuvre devint le tremplin d’expérimentations à venir. Nous verrons ainsi combien les traces, dans l’œuvre d’art conceptuelle, pointent vers des entités plus grandes qu’elles : l’idée de l’artiste, ses actualisations virtuelles, l'ensemble des commentaires en puissance, l'émergence de nouvelles traces. Des traces au carré