Le pluralisme constitutionnel dans l’Union européenne, entre traditions constitutionnelles communes et respect des identités nationales

L’Union européenne fait une expérience intense de l’hétérogénéité : son territoire est marqué par une grande diversité de peuples, de cultures nationales et infra nationales. La construction européenne constitue en elle-même une expérience pluraliste : il s’agit d’un projet politique articulant une diversité constitutive de l’espace politique européen. Au plan juridique, la construction européenne implique une complexification des relations entre ordres juridiques. Les théories du pluralisme juridique tentent de décrire, de justifier et d’articuler cette complexification en dépassant tout à la fois la vision d’ordres juridiques nationaux indépendants les uns des autres et la vision d’un ordre juridique européen entendu comme strictement supérieur aux ordres juridiques nationaux. Cette contribution revient, premièrement, sur ces théories du pluralisme juridique (I). Grâce à ces outils théoriques, on étudie ensuite un certain nombre de mécanismes du droit constitutionnel européen, qui illustrent cette idée de pluralisme constitutionnel : le dialogue juridictionnel noué entre juges nationaux et juges européens à partir de la théorie des réserves de constitutionnalité (II), la fertilisation croisées des ordres juridiques nationaux et européens sur la question des droits fondamentaux (III), les ajustements développés en termes d’équilibres institutionnels, et particulièrement à partir la notion d’identité constitutionnelle (IV). Dans une dernière partie, à portée normative, on montrera que le concept de « pluralisme constitutionnel » doit être enrichi : l’Union ne peut se limiter à être une superstructure juridique articulant différents ordres juridiques. Elle doit être fondée sur un véritable « patrimoine constitutionnel », qui requiert un dialogue actif et autocritique (V