Évolution des discours rapportés décontextualisés et des surassertions dans les interventions parlementaires de Lamartine

en collaboration avec Betty VouillonInternational audienceLa surassertion de l’énoncé en cours (dis-je) et la référence aux discours adverses (vous avez dit), voire aux objections supposées des récepteurs (vous direz) font partie des procédures repérées dans les genres argumentatifs. Cependant, les multiples configurations du discours rapporté décontextualisé / recontextualisé ne sont étudiées que ponctuellement en littérature, et pour elle-même que dans l’oral conversationnel. Or, à côté des citations représentées comme exactes par l’emploi du discours direct et des reformulations assumées comme telles par l’emploi du discours indirect, certaines propositions enchâssantes, aussi bien directes qu’indirectes, signalent que les énoncés autres qu’elles régissent n’ont pas été proférés. Il peut notamment s’agir de discours virtualisés (par la négation, l’hypothèse, etc.) et de discours intérieurs (pensées rapportées). De telles décontextualisations peuvent affecter aussi bien les énoncés hétérophoniques et diaphoniques, imputés à autrui, qu’autophoniques, lorsque l’énonciateur enchâssant se les impute à lui-même. L’examen systématique de ces sous-catégories permet d’en faire un trait pertinent d’un corpus peu commenté : les transcriptions officielles des 150 interventions prononcées par Lamartine à l’Assemblée nationale entre 1834 et 1851. On remarque, en effet, que dans ses premières interventions, Lamartine gère habilement les énoncés d’autrui par la construction de discours virtuels ou intérieurs : en appuyant son énonciation sur les arguments imaginés de ses adversaires, il l’investit de la force que lui confère l’anticipation, et dévie les propos qui vont lui être rétorqués, afin de déstabiliser ses opposants. Parallèlement, les mêmes moyens appliqués à ses propres paroles ou pensées lui permettent d’afficher la singularité de son ethos politique, tout en tentant de se départir de l’ethos de poète que lui renvoient ses contradicteurs. À partir de son échec aux élections présidentielles de 1848, au contraire, ces cconfigurations sont progressivement concurrencées par les surassertions, souvent précédées ou suivies par des interruptions de la part des auditeurs, signalant sa perte de la maîtrise de la joute parlementaire, jusqu’à ce qu’il renonce à la députation en 1851