De l’erreur en politique. Le cas de la régulation démographique du corps médical en France

International audienceLa majorité des travaux de sciences sociales s’étant intéressés aux erreurs analysent celles-ci comme des échecs à expliquer en les rapportant à des facteurs d’ordre cognitif, technique ou organisationnel. Cet article montre empiriquement qu’avant d’enquêter sur les causes d’une erreur, il est important d’étudier le travail de qualification et d’imputation dont la reconnaissance de l’erreur est le produit. Partant des discours dénonçant le risque d’une pénurie de médecins en France, il explique que les « erreurs » qu’auraient commises les pouvoirs publics en matière de démographie médicale d’après certains acteurs ne s’expliquent pas par des « biais cognitifs » ou par les limites inhérentes aux instruments de prospective. Bien au contraire, la diminution escomptée du nombre de médecins a été délibérément souhaitée par certains segments bureaucratiques. L’article expose ensuite les raisons qui ont conduit certains acteurs à stigmatiser cette politique en la présentant comme le fruit d’une « erreur » des pouvoirs publics. Il indique enfin de quelle manière certains hauts fonctionnaires refusent d’admettre qu’ils se sont trompés en avançant l’argument suivant : ce qui est aujourd’hui présenté comme une « erreur » de prévision ne serait en fait que le produit de l’incapacité politique à organiser le système de santé de façon rationnelle