Paysage rêvé et Refuge : écrits utopistes de protestants français au XVIIe siècle

L’abbé Prévost décrit en 1729 la réaction d’un des personnages de son roman Cleveland lors de son arrivée dans une colonie imaginaire fondée par des Rochelais qui ont fui la France puis l’Angleterre après le siège de 1627-1628. Pour la description de cette colonie refuge, Prévost s’inspire probablement à la fois de la fondation des colonies puritaines de Nouvelle Angleterre, d’autant qu’il commence l’écriture de ce roman en Angleterre, mais aussi de deux ouvrages français, d’une part un Recueil de quelques mémoires servans d’instruction pour l’établissement de l’isle d’Éden, publié en 1689 par Henri Duquesne , d’autre part Voyages et aventures de François Leguat et de ses compagnons en deux isles désertes des Indes orientales, paru à Amsterdam en 1708, récit qui explique la mise en place et l’échec du projet de Duquesne .Dès le XVIe siècle, des projets et des tentatives d’installation existent. Ils donnent lieu à des publications : la plus célèbre est l’ouvrage de Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil (Genève, 1578) . Mais c’est incontestablement après la Révocation de l’édit de Nantes et l’exode de quelques 150 à 180 000 réformés vers les pays protestants européens, mais aussi vers l’Afrique et l’Amérique, que des projets sont mis sur pied vantant les terres où doivent s’installer les réfugiés . Ces terres sont ainsi souvent comparées au jardin d’Éden ou à la Terre promise. Cette communication a ainsi pour objectif à la fois de comprendre ces projets et de décrire le paysage rêvé de ces terres, de s’interroger sur les ouvrages qui ont pu influencer ces descriptions, et enfin d’étudier la réaction et la déception des huguenots confrontés à la réalité .