Les dynamiques sociales des migrations vietnamiennes et le faux paradoxe du « pays natal » (quê huong)

From 1945, the revolutionary government appropriated the term thoât ly (lit. separation) to incite young Vietnamese to break with village and family traditions and join the national liberation movement. This is the point of departure for this study of a pre-revolutionary socio-political culture which, through a system of moral values inspired by popular Confucianism, bound villagers to their village, to the land of their ancestors, to their "place of home" (quê huong). This political culture allows us to better understand the history of Vietnam's southward expansion (nam tiên ) because, according to the argument presented here, Vietnamese mobility was fuelled by the very notion of "place of home" : the moral system which bound the members of rural communities to each other represented a cultural referent which created social networks, and these social networks gave rise to a strong migratory dynamic. According to this reading of Vietnamese history, the paradox of a people at the same time firmly attached to their place of home and yet strongly expansionist is not a paradox at all : this dimension of popular Confucianism served to promote departures from the village as well as to prevent them.À partir de 1945, le gouvernement révolutionnaire reprit le terme (litt. thoât ly séparation) pour inciter les jeunes Vietnamiens à rompre avec la tradition villageoise et familiale et à suivre le mouvement de libération nationale. C'est le point de départ de cette étude d'une culture socio-politique pré-révolutionnaire qui, par le biais d'un système de valeurs morales s'inspirant du confucianisme populaire, liait les habitants à leur village, à la terre de leurs ancêtres, à leur « pays natal » (que huang). Cette culture politique nous permet de mieux comprendre l'histoire de l'expansion vietnamienne vers le Sud (nam tiên), car la mobilité des Vietnamiens se nourrissait, selon l'argument présenté ici, de la notion même du « pays natal » : la morale qui liait les membres des collectivités rurales entre eux représentait un réfèrent culturel constitutif de réseaux sociaux et ces réseaux sociaux donnaient lieu à une forte dynamique migratoire. Selon cette lecture de l'histoire vietnamienne, le paradoxe d'un peuple à la fois solidement attaché au pays natal et pourtant fortement expansionniste n'en est pas un : cette dimension du confucianisme populaire servait aussi bien à promouvoir les départs du village qu'à les empêcher.Hardy Andrew. Les dynamiques sociales des migrations vietnamiennes et le faux paradoxe du « pays natal » (quê huong) . In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 97-98, 2010. pp. 151-183