Le vocabulaire de la perception et l’ambiguïté dans la tragédie grecque

The tragic scene is a favoured place in ancient Greece for the dramatist and for the characters who wish to play with words : with an interlocutor who does not know the whole truth and sees only a part, like Aegisthos, at the end of Sophocles’ play, Electra uses language which is ambiguous because there is no proper noun to refer to the cadaver which is visible but covered. The vocabulary of vision is used, in the recognition scenes, in order to maintain ambiguity (when the complement is not a proper name) and to remove it, at the moment of revelation of the real identity of a character. In other cases, ambiguity plays at another level, that of the vocabulary itself. The verb αἰσθάνομαι, which is formed using a verb of hearing, can also designate another sensorial operation. And a character such as Orestes, in the play by Euripides, plays with Electra on the polysemy of the term. The vocabulary of perception, whether polysemic or not, allows the dramatist to make the characters play with each other and to himself play with the spectator.La scène tragique est un lieu privilégié dans la Grèce ancienne pour le dramaturge et les personnages qui veulent jouer sur les mots : avec un interlocuteur qui ne connaît pas toute la vérité et n’en voit qu’une partie, comme Égisthe, à la fin de la pièce de Sophocle, Électre utilise un langage qui est ambigu tout simplement parce qu’il manque un nom propre, celui du cadavre qui est bien visible mais recouvert. Le vocabulaire de la vision est utilisé, dans les scènes de reconnaissance, à la fois pour entretenir l’ambiguïté (lorsque le complément n’est pas un nom propre) et pour la lever, au moment du dévoilement de l’identité réelle d’un personnage. Dans d’autres cas, l’ambiguïté joue à un niveau différent, celui du vocabulaire lui-même. Le verbe αἰσθάνομαι, qui est formé à partir d’un verbe d’audition, peut désigner aussi une autre opération sensorielle. Et un personnage comme Oreste, dans la pièce d’Euripide, joue avec Électre sur la polysémie du terme. Le vocabulaire de la perception, qu’il soit polysémique ou non, permet au dramaturge de faire jouer les personnages entre eux et de jouer lui-même avec le spectateur.Boehm Isabelle. Le vocabulaire de la perception et l’ambiguïté dans la tragédie grecque. In: Les jeux et les ruses de l’ambiguïté volontaire dans les textes grecs et latins. Actes de la Table Ronde organisée à la Faculté des Lettres de l'Université Lumière-Lyon 2 (23-24 novembre 2000) Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2005. pp. 75-90. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série philologique, 33