Note sur la traduction latine du Kitāb al-Manṣūrī de Rhazès

In Arabie as well as in Latin, Rasis' Kitab al-Mansüñ — a short medical encyclopaedia in ten books — was among the texts most often transcribed and quoted during the Middle Ages. Until now the Latin translation has been unanimously ascribed to Gerard of Cremona (d. 1187), on the basis of the internal references given in the manuscripts and of the Vita written by his socii after his death. Actually, the manuscript tradition reveals two versions, one of them being a revision of the other. The examination of the copies kept at the Bibliothèque nationale de France and a precise collation, focused on books IX and X, of manuscripts latin 6906 and leitin 7046 have shown that Gerard of Cremona merely revised a previous translation, of which he was probably not the author. While remaining very faithful to the Arabic original, the first translator proves to be less literal than Gerard of Cremona usually is, less constant in his choices of technical terms and less inclined to use transliterations. In his revision, which is based on renewed consultation with one or several Arabic manuscripts, Gerard of Cremona restores some omissions, corrects some mistranslations and replaces some technical terms, in his concern for being more faithful to the original at a philological level. Whereas numerous manuscripts contain the first version, Renaissance editors generally chose its revision.Tant en arabe qu'en latin, le Kitâb al-Mansuri de Rhazès — petite encyclopédie médicale en dix livres — fut parmi les textes le plus souvent transcrits et cités au Moyen Âge. La traduction latine est unanimement attribuée par les historiens à Gérard de Crémone (mort en 1187), sur la foi d'une part des mentions données par les manuscrits, d'autre part de la Vita rédigée par ses socii après sa mort. En réalité, la tradition manuscrite fait apparaître deux états du texte, l'un constituant la révision de l'autre. En nous fondant sur les exemplaires conservés à la Bibliothèque nationale de France — plus spécialement sur les manuscrits latin 6906 et latin 7046 — et en centrant notre étude sur les livres IX et X, nous montrons que Gérard de Crémone s'est contenté de réviser une traduction antérieure dont il n'était probablement pas l'auteur. Tout en restant très fidèle à l'original, le premier traducteur s'avère moins littéral que ne l'est habituellement Gérard de Crémone, moins constant dans le choix des termes techniques et moins porté à user de translittérations. Dans sa révision, qui se fonde sur un nouveau recours à un ou plusieurs manuscrits arabes, Gérard de Crémone rétablit des omissions, corrige des erreurs et change quelques termes techniques dans un souci de fidélité philologique à l'égard de l'original. Si de nombreux manuscrits rendent compte de la première version, les éditeurs de la Renaissance choisirent généralement sa révision.Jacquart Danielle. Note sur la traduction latine du Kitāb al-Manṣūrī de Rhazès. In: Revue d'histoire des textes, bulletin n°24 (1994), 1994. pp. 359-374