À quoi servent les enfants trouvés? Les médecins et le problème de l'abandon dans la France du XVIIIe siècle

Marie-France Morel, À quoi servent les enfants trouvés? Les médecins et le problème de l'abandon dans la France du XVIIIe siècle, p. 837-858. La montée des abandons d'enfants est un des problèmes les plus préoccupants pour les médecins et les administrateurs de la France des Lumières. Il devient de plus en plus difficile de sauver les bébés à cause de la crise financière de tous les hôpitaux qui n'arrivent plus à payer les nourrices. Les médecins proposent de s'en passer en développant l'alimentation artificielle. De nombreuses expériences sont ainsi tentées à Paris comme en province : au départ, les médecins sont persuadés que les enfants, élevés sous le regard médical, selon les concepts de la nouvelle puériculture médicale, seront plus résistants que ceux que l'on confie aux nourrices mercenaires, dont les préjugés et les vices sont abondamment critiqués par la littérature médicale de l'époque. On est particulièrement (v. au verso) bien renseigné sur l'expérience originale tentée dans la plaine Monceau par la Société royale de médecine de 1786 à 1789, puisqu'on possède les carnets quotidiens du médecin qui dirigeait l'entreprise. Comme toutes celles qui l'ont précédée, c'est un échec total : presque tous les enfants meurent de muguet, de dévoiement ou d'endurcissement du tissu cellulaire, une maladie nouvellement découverte et propre aux petits abandonnés. Pourtant ce massacre des innocents n'aura pas été complètement inutile, car il permet peu à peu aux médecins, grâce à la pratique des autopsies, de progresser dans la découverte de la clinique infantile, qui est exposée pour la première fois en 1826 par Charles-Michel Billard, ancien interne à l'Hôpital des enfants-trouvés.Morel Marie-France. À quoi servent les enfants trouvés? Les médecins et le problème de l'abandon dans la France du XVIIIe siècle. In: Enfance abandonnée et société en Europe, XIVe-XXe siècle. Actes du colloque international de Rome (30 et 31 janvier 1987) Rome : École Française de Rome, 1991. pp. 837-858. (Publications de l'École française de Rome, 140