« Madame Récamier » : entre portrait et causerie

Juliette Récamier was one of the «fays » of the literary salons whom Sainte-Beuve always adulated as much for their irradiant charm as for their genius in the social art of conversation, an art that he mode efforts to practice himself, albeit in writing, in his Causeries. In those that he dedicated to her in 1849, just after her death, then in 1859 (at the time of the publication of the work by her niece, Mme Lenormant), Sainte-Beuve remained under her charm. However, he then began to shake off the «friendly influence » of his paragon that, he admitted, had for a long time paralysed him. Was this Eurydice not also a great lady of ordered life, who had a taste only for delicacy ? While not forgetting the crucial question asked by all women, «Did she fall in love ? », but leaving the biographical details in the shadows, Sainte-Beuve also raises the question of her deficient relationship with writing. She was full of charm and supremely feminine. And what more happy error than that the success of the causeur des Lundis depended on this obliteration of the muse. It was then for Sainte-Beuve to speak in her place and for her to be this still, silent body incorporated into the very corpus of the critical work.Juliette Récamier fut une de ces «fées de salon» que Sainte-Beuve a toujours adulées tant en raison de leur charme irradiant que de leur génie dans l'art social de la conversation - art qu'il prétend pratiquer lui-même, mais par écrit, dans ses Causeries. Dans celles qu'il lui consacre en 1849, au lendemain de sa mort, puis en 1859 (lors de la parution de l'ouvrage de sa nièce, Mme Lenormant), Sainte-Beuve reste sous le charme; mais il commence à secouer «l'influence aimable» qui, émanant de son modèle, l'a longtemps paralysé, il l'avoue. Cette Eurydice n'a-t-elle pas été aussi une grande dame à la vie arrangée et qui, en fait de goût, n'aimait que la délicatesse? Ne manquant pas d'évoquer la question cruciale pour toute femme : «a-t-elle aimé?», mais laissant dans l'ombre les détails de biographie, Sainte-Beuve rencontre aussi la question de son rapport déficient à l'écriture : charme de plus et qualité féminine entre toutes. Et faute d'autant plus heureuse que la réussite du causeur des Lundis dépend de cet effacement de la muse. À Sainte-Beuve de parler à sa place; à elle d'être ce corps silencieux incorporé dans le corpus de l'œuvre critique.Verona Roxana M. « Madame Récamier » : entre portrait et causerie. In: Romantisme, 2000, n°109. Sainte-Beuve ou l'invention de la critique. pp. 99-106