Vers une nouvelle conception du droit ? (II)

121 p.Ce dossier prolonge, et complète par de nouvelles questions, le regard que nous avions porté dans le précédent numéro sur la "révolution juridique" aujourd'hui à l'oeuvre. Nous y présentions des textes qui formulaient le constat d'une société aspirant à une "autre justice", voulant reprendre ses droits, faire entendre sa parole, alors que se complexifie le carcan juridique conçu à travers une vision de plus en plus internationale, économique et abstraite de la société. Sur cette toile de fond commune, les controverses sont cependant nombreuses et nous en rendions compte autour de deux questions : l'évolution des liens entre droit et démocratie, avec le débat qui oppose défenseurs d'une démocratie "délibérative" et partisans d'un droit universel, largement reconnu et appliqué, fondateur d'une "démocratie moderne" ; l'évolution du rapport entre l'économie et le politique, avec le débat qui oppose les instances internationales actrices de la "déréglementation" et les tenants d'un pluralisme économique qui laisserait place à une conception de l'économie plus proche des enjeux sociaux. L'un comme l'autre de ces débats renvoie à des conceptions opposées du droit : droit normatif ou négocié ; droit unique ou pluriel ; droit répressif ou incitatif. Nous retrouvons dans ce deuxième dossier des mêmes clivages et des débats tout aussi passionnés avec trois autres questions. La construction d'un "droit commun" à vocation universelle est-elle plausible ? Si les instances internationales ont l'ambition d'imposer la vision du "juste" des pays occidentaux, et un "droit commun" sous influence économique, les résistances de peuples qui entendent défendre leurs particularismes s'affirment, ce qui met à mal les rapports Etats - individus. Le droit de l'environnement vient illustrer cette volonté des instances internationales de créer un "droit moderne", imposé à l'ensemble de la planète. Mais le principe de réalité oblige ces instances à s'engager dans une voie d'innovation juridique qui bouscule les logiques traditionnelles. Par sa technicité croissante, ce doit nouveau alimente les polémiques : les nouvelles aspirations des peuples ne risquent-elles pas d'être détournées au profit de choix techniques et économiques ? Enfin, la ville est au centre du troisième débat : alors que l'encombrement juridique menace les villes, que leurs fragmentations diminuent leur gouvernabilité, les responsables urbains et les juristes s'engagent dans la voie nouvelle de la "gouvernance", de l'action collective et du droit du partenariat, de la convention, de la médiation. Mais sur quelle réalité le juriste produit-il ses textes ? Pour les uns, ce droit nouveau ne crée pas la ville, tout au plus en préserve-t-il l'illusion d'une possible régulation ; pour d'autres, les droits fondamentaux de demain seront les droits de la ville et en transformeront le contenu social