Crise et renouveau dans l'administration française

Paralysé par un modèle d'organisation fondé sur la centralisation et la stratification et correspondant lui-même à des traits culturels de base comme la peur des relations face à face , le système administratif français apparaît de moins en moins efficace dans le monde moderne. C'est un système, en effet, qui n'offre pas de possibilités suffisantes de communication , qui ne réussit à mobiliser qu'une faible part des ressources humaines qui sont à sa disposition, qui éprouve beaucoup de peine enfin à s'adapter à l'environnement et même à se renouveler intellectuellement. La pression d'un environnement soumis désormais à un rythme accéléré de changement est en train de bouleverser toutefois l'équilibre traditionnel. On constate désormais en particulier, d'une part, qu'une partie de l'élite de la fonction publique a perdu confiance dans les vertus du système et, d'autre part, qu'une crise de recrutement sévit dans les emplois subalternes, manifestant ainsi la perte d'intérêt de la masse de la population pour la sécurité matérielle et psychologique qu'il assurait. En contrepartie, de nouvelles formes de rapports humains et de nouvelles méthodes intellectuelles commencent à apparaître dans des secteurs marginaux. Les chances d'un apprentissage institutionnel permettant à l' Administration française d'évoluer se jouent, selon l'auteur, dans quatre domaines : la transformation de l'équilibre entre centrales et services extérieurs, la fin du cloisonnement entre féodalités administratives, le maintien et le développement de sources de renouvellement intellectuel, la transformation des rapports entre système politique et système administratif.Crozier Michel. Crise et renouveau dans l'administration française. In: Sociologie du travail, 8ᵉ année n°3, Juillet-septembre 1966. L'administration face aux problèmes du changement, sous la direction de Michel Crozier. pp. 227-248