Voir et juger. Le problème de Molyneux et ses enjeux philosophiques aux XVIIe et XVIIIe siècles

The dispute surrounding Molyneux’s problem was a major factor in the emergence of empiricism, an original theoretical field characterized by the idea of a genesis of perception. Perception of the senses is considered as a historical phenomenon, which must not be understood as the recognition that we do not perceive in the same manner through different periods in history, but as the 18th century discovery that we do not perceive in the same way throughout the different stages of life. The study of Molyneux’s problem thus helps to go beyond the traditional definition of empiricism as a set of doctrines asserting that all ideas arise from the senses. It is our perceptions themselves which are subjected to historicity. Molyneux’s problem, and the various experiments it led to, did not simply illustrate pre-established theories but generated concepts, which were also part of the legacy of classical rationalism. One of the main consequences of this idea of the historicity of perception touches on the question of the subject – the man of the Enlightenment is not subjected to the laws established by God but can construct his perceptions – not freely but according to the circumstances.La querelle autour du problème de Molyneux a contribué à l’émergence d’un champ théorique original, celui de l’empirisme, qui se caractérise par l’idée de genèse perceptive, c’est-à-dire par le fait de concevoir la perception sensible comme un phénomène historique – non pas au sens où l’on prendrait conscience que l’on ne perçoit pas de la même façon au cours des différentes époques de l’histoire, mais au sens où l’on découvre, au XVIIIe siècle, que l’on ne perçoit pas de la même façon au cours des différentes étapes de sa vie. L’étude du problème de Molyneux permet ainsi de dépasser la définition traditionnelle selon laquelle l’empirisme désigne l’ensemble des doctrines qui stipulent que les idées viennent des sens : plus fondamentalement, ce sont nos perceptions elles-mêmes qui font l’objet d’une historicité. Loin de se réduire à de simples illustrations de thèses préétablies, le problème de Molyneux et les expériences auxquelles il donna lieu ont donc été générateurs de concepts – ce qui n’empêche pas ces derniers de constituer autant d’héritages du rationalisme classique. L’une des principales conséquences de cette idée d’historicité perceptive touche à la question du sujet : loin de subir les lois instituées par Dieu, l’homme des Lumières construit ses perceptions – non pas librement, mais au gré des circonstances