Le domicile privé : nouvel espace clinique des soins aux psychoses chroniques : d'un accompagnement social comme condition d'une habitabilité pour les personnes en situation de handicap psychique

DEIS = Diplôme d'État d'ingénierie socialeLes personnes souffrant de psychoses chroniques sont aujourd'hui amenées à vivre, souvent seules, dans leur logement personnel ; l'hôpital s'étant recentré sur ses missions thérapeutiques de gestion de la crise. Ce qui doit être un réel progrés pour les usagers de la psychiatrie en ce que cela vient répondre à une légitime aspiration d'un retour à une vie civile, demande à être questionné dans la mesure où ce nouveau modèle tend à devenir un impératif synonyme d'isolement, d'absence de lien social et de rupture de soins. En effet, avoir un logement ne suffit pas nécessairement à l'« habiter » et les répercussions du logement et de l'habitat sur la vie de ces personnes fragilisées par la maladie sont fondamentales pour la construction identitaire, l'image corporelle et la capacité d'être en relation au monde comme nous invite à y réfléchir les travaux d'E. Djaoui et d'A. Eiguer. Les personnes atteintes de troubles psychotiques chroniques éprouvent tout particulièrement des difficultés à investir leur logement. Le concept d'espace transitionnel, au sens donné par D.W. Winnicott, aide à appréhender ce phénomène et à en comprendre les enjeux. Présent au coeur de l'habitabilité, il est tout aussi central dans l'accompagnement social dans le logement, notion complexe et délicate à cerner mais particulièrement pertinente pour penser l'insertion et la réhabilitation sociale en psychiatrie. Les travaux de M. Paul nous y aide. A partir d'une méthodologie s'appuyant principalement sur des entretiens semi-directifs avec des architectes, des professionnels de l'accompagnement social et des usagers de Service d'Accompagnement à la Vie Sociale, nous avons cherché à savoir à quelles conditions le logement autonome pouvait être un outil dans la prise en charge globale de la psychose chronique et non pas une nouvelle forme d'exclusion et d'assignation à domicile. Nous montrons que les qualités intrinsèques du logement doivent permettre de (re)créer des zones d'intimité dans l'espace privé continuellement investi par des professionnels de l'action à domicile. Au-delà de cet effet de lieu, l'accompagnement social à domicile ne saurait se réduire à une série d'actes relevant des services à la personne dans la mesure où il convoque la question du lien porté par un collectif de travailleurs sociaux dont la visée est l'ouverture vers la Cité. Les résultats de l'enquête de terrain mettent en évidence l'intérêt d'approches conjuguées du champ social et de celui de l'architecture et de l'urbanisme autour du concept de « Design des lieux et des services », afin de construire, au propre comme au figuré, une société d'hospitalité et d'accueil pour tous