La question de l'apologétique dans la pensée théologique de Paul Tillich. D'une apologétique de l'attaque à une apologétique de la réponse

Selon Tillich, l’apologétique signifie « défendre » la foi chrétienne lorsqu’elle est menacée, et en « répondre » devant des adversaires. Dès lors, dans le contexte d’une culture en voie de sécularisation, où la religion se trouve de plus en plus contestée dans ses prétentions à organiser et à régir la société, il était normal que l’apologétique occupe une place importante dans la réflexion théologique. Chez Tillich, on note une évolution importante dans sa manière d’envisager cette notion. En effet, loin de proposer une approche purement dualiste de l’apologétique, qui opposerait par exemple la vérité chrétienne au doute athée, Tillich cherchera toujours à rencontrer son interlocuteur athée sur un « terrain commun » d’entente. Ce critère du terrain commun sera d’ailleurs le critère fondamental, ainsi que le véritable fil rouge de sa compréhension de l’apologétique, même si cette dernière se reconfigure de différentes manières au fil du temps. En effet, d’autres critères seront également parfois soulignés, surtout durant toute la période allemande de son enseignement. Pour montrer les convergences et les discontinuités dans cette compréhension de l’apologétique, nous avons envisagé notre recherche de manière chronologique, en nous basant sur les principaux textes qui abordaient explicitement le terme « apologétique ». Le résultat de notre recherche fut alors de constater qu’il existait deux grands paradigmes dans la compréhension tillichienne de l’apologétique, à savoir : une apologétique de l’attaque et une apologétique de la réponse. Schématiquement, nous rattacherons la première à la période allemande de son enseignement, et la seconde à la période américaine. Il faut aussi noter que notre recherche commence par aborder la question de l’apologétique à partir des écrits de l’année 1913, c’est-à-dire des écrits antérieurs à la période d’enseignement allemande, et qu’elle se termine par une reprise à rebours de son sujet, via le prisme des rapports entre Tillich et Barth, qui mettent en jeu la possibilité, ou non, d’une démarche de type apologétique.According to Tillich, apologetics means to «defend» the Christian faith when it is under threat, and to «answer for it» in the face of opponents. Thus, in the context of the growing secularization of culture, where the claims of religion to organize and govern society are increasingly challenged, it was normal for apologetics to take a significant place in theological thought. A significant shift may be noted in Tillich’s approach to this concept. Indeed, far from proposing a purely dualistic approach to apologetics, which would for exemple oppose a Christ truth to atheist doubt, Tillich always strived to meet his atheist interlocutor on a «common ground». This criterion of a common ground will remain the central criterion for Tillich as well as a guiding thread in his understanding of apologetics, even though the concept itself evolved over time in his thought. Other criteria will indeed be emphasized, especially in his teaching in Germany. In order to examine similarities and discontinuities in Tillich’s understanding of apologetics, we have organized our research in a chronological order, tackling the main texts where the term «apologetics» explicitly appeared. As a result, we have distinguished between two main paradigms in Tillich’s understanding of apologetics, namely apologetics as an attack and apologetics as a response. In broad outline, the first paradigm would belong to the German period and the second to the American period. It should also be noted that our research begins with the writings of the year 1913, that is to say with texts written before the first teaching period, and that it ends with a backward analysis of our subjet through the examination of the relations between Tillich and Barth, in which the very possibility of an apologetical process is at stake