Les Sourds : une population particulièrement vulnérable aux pratiques sexuelles à risque en Afrique de l'Ouest

International audienceLes personnes sourdes constituent en Afrique subsaharienne une minorité importante fortement exposée aux pratiques sexuelles à risques. Peu de travaux prennent pourtant en compte leur situation. La méconnaissance de cette population et de leurs langues des signes en fait un groupe d’exclus parce que difficile à atteindre.Cette étude qualitative menée à Ouagadougou, Burkina Faso, s’intègre dans un programme de recherche plus large mené par Handicap International et l’Institut de Recherche pour le Développement sur la vulnérabilité des personnes handicapées face au VIH, au Cameroun et au Burkina Faso. Une centaine d’entretiens semi directifs ont été menés auprès : d’hommes et de femmes sourds communiquant en langue des signes, de membres de leurs familles, de personnels soignants et/ou associatifs. Le côté novateur de ce travail tient à la prise en compte des différents niveaux de langue des signes (très hétérogènes selon le niveau de scolarisation et socialisation), à l’étroite collaboration entre chercheur et assistant de recherche sourd et à l’utilisation de la caméra.La recherche met en avant :1/ Des modes de connaissances distinctifs : accès à l’information très limité, modes de transmission du VIH mal connus, déformation d’information et faibles moyens de protection, absence des Sourds au sein des structures de suivi VIH, remise en cause de la confidentialité des informations à communiquer au patient en présence d’un accompagnant entendant2/ Des modes de vie spécifiques : pratiques sexuelles marquées par la fréquence de multipartenariats (peu de relations stables, grossesses multiples et violences sexuelles), forte précarité, sentiment d’exclusion social et familial. Peu scolarisés et cantonnés aux tâches ménagères, les Sourds sont souvent contraints de se livrer à des activités génératrices de revenus pouvant les exposer à de gros risques. Des réseaux de « mendicité par les papiers » sont développés au Burkina Faso et dans les pays avoisinants, par des chefs sourds locaux et étrangers. Les filles sourdes recrutées (« pêchées ») et emmenées à l’étranger sont généralement soumises à une exploitation sexuelle. Invisibles et peu entendus, les Sourds sont très fortement exposés aux pratiques sexuelles à risques, dont la principale vulnérabilité est l’absence d’une prévention adaptée, en particulier par des professionnels sourds, et d’échanges avec les soignants. Il semble urgent de prendre en compte la langue des signes et de mettre en place une recherche action engagée au sein de structures de références. La question de la « mendicité par les papiers », connue et cachée par une grande partie de la communauté sourde, mérite d’être prise très au sérieux. Elle nous éclaire sur la situation des Sourds au Burkina Faso (et en Afrique de l’ouest) et devient un axe central dans la compréhension des pratiques sexuelles à risques