Relativisme et pluralisme : l’apport de la psychologie de Jean Piaget à la sociologie politique

Bien que certains développements théoriques récents insistent davantage sur l’existence d’une pluralité de réalités individuelles au sein d’un même ensemble social, la logique de compréhension utilisée pour analyser ces réalités dans le travail de recherche empiri¬que s’inscrit encore trop souvent dans une perspec¬tive univoque où les concepts sont pensés comme homogènes. Cette façon d’aborder le réel légitime des explications linéaires du développement des attitudes et de l’adoption des comportements individuels. Toutefois, une réflexion sur les processus effectifs de construction des univers de référence individuels à partir d’une pers¬pective psychologique remet fortement en question cette logique. Ainsi, les travaux de Jean Piaget montrent bien que l’individu n’est pas un être passif dans la dynamique d’appropriation du monde, mais qu’il assi¬mile le contexte social, l’accommode à ce qu’il com¬prend déjà et ainsi le transforme. Ce cadre théorique ouvre la voie à une intéressante forme de relativisme conceptuel où chaque concept doit être replacé dans le contexte propre des univers de référence des individus. Cette relativité pose un défi à la recherche empirique : quel principe de synthèse permettrait de respecter la pluralité théorique que nous propose l’interprétation piagétienne ? Jusqu’à maintenant, nous avons surtout utilisé dans nos recherches une méthodologie fondée sur la démarche classificatoire, mais nous en sommes main¬tenant plus conscient des limites.Recent developments in theory insist on the existence of a plurality of individual realities within the same social group. However, the logic of understanding used to analyse these realities in the empirical research still relies too much on a univocal perspective in which the concepts are perceived to be homogeneous. This manner of approaching reality legitimates the linear explanations of attitudes and individual behaviours. But a reflection on the effective processes of constructing the individual worlds of reference based on a psychological perspective strongly challenges this logic. Thus, the works of Jean Piaget clearly show that the individual is not a passive being in the dynamics of appropriating the world, but that he or she assimilates the social context, accommodates it to what he or she already understands and thereby transforms it. This theoretical framework opens the path to an interesting form of conceptual relativism where every concept has to be replaced into the context as it is structured by the individuals’ worlds of reference. This relativity presents a challenge to empirical research: Which principle of synthesis would allow us to respect the theoretical plurality proposed by the piagetian interpretation? So far, we have mostly used a methodology based on the classificatory approach in our research, but we are by now more aware of its limitations as well