Après le commerce les produits équitables

Le 'commerce équitable' n'est pas qu'un slogan. C'est une véritable pratique commerciale, fondée sur l'équité dans les relations d'échange, comme dans la façon dont les biens sont produits : sans exploitation abusive et sans agression pour l'environnement. Le mouvement des organisations de commerce équitable est bien structuré en Europe, en Amérique du Nord, au Japon Il a réussi à sortir quelques produits du circuit confidentiel des boutiques solidaires ou diététiques, pour les placer au cur de la grande distribution, dans les supermarchés. Le commerce équitable est un idéal qui peut conscientiser et éduquer le public. Mais il y a encore beaucoup à faire pour que le commerce équitable et les produits équitables aient une réelle importance pour un grand nombre d'agriculteurs ACP. À première vue, le commerce équitable est une affaire de partenariat entre des gens qui partagent les mêmes valeurs (voir Spore 67). Au Sud, les producteurs agricoles sont à la recherche de moyens durables de subsistance, et le commerce équitable leur propose des débouchés et des perspectives de recettes régulières. Au Nord, les 'partenaires' des organisations de développement cherchent à ouvrir dans le marché des créneaux où les consommateurs sont prêts à payer un supplément pour des produits issus d'un système de production juste, sans abus et sans agression pour l'environnement. Small is beautiful... Le marché du commerce équitable en Europe est encore petit, mais il a un potentiel de croissance. J'ai estimé que le commerce équitable du café représente 2 % du marché néerlandais, ce qui peut être comparé aux 5 % détenus par le bio dans le marché des fruits et légumes et des produits laitiers. Il y a bien sûr dans les pays du Nord beaucoup de consommateurs enthousiastes prêts à faire un effort pour acheter des produits avec un label 'commerce équitable'. Mais le fait est que ce marché aux bons sentiments est limité, et il le restera tant que nous ne saurons placer les produits équitables sur le marché courant de grande consommation. Le principal intérêt du mouvement du commerce équitable est d'éduquer le public du Nord, avec beaucoup de publicité et d'insistance sur les marques. En fait, environ la moitié du surcoût payé par le consommateur est consacré à la publicité et au travail de conscientisation du marché. Le commerce équitable de la banane est un bon exemple : elle coûte 40 % de plus que la banane dollar d'Amérique latine ou la banane de plantation ACP. Autrement dit, le consommateur paie un supplément pour informer les autres consommateurs. Les consommateurs sont mieux informés, mais ils restent humains et égoïstes. La plupart des gens préfèrent acheter ce qui est bon pour leur porte-monnaie ou pour leur santé. Le commerce équitable est souvent comparé au marché bio, où la motivation principale est la santé, l'intérêt pour l'environnement ne venant qu'en second. Au Danemark, les produits laitiers biologiques représentent aujourd'hui 50 % du marché, mais ils ne sont pas forcément produits selon les principes du commerce équitable. Nous devons parvenir à ce que des produits équitables occupent des parts de marché de cet ordre. Nous devons pour cela aller au-delà du présent marché sentimental, et pénétrer le marché principal de grande consommation. Les organisations de commerce équitable n'y arriveront pas seules, mais seulement en s'ouvrant aux forces du marché les plus attentives. Du point de vue du consommateur, cela suppose des produits de qualité constante, sans surcoût. Face à des produits de même qualité, le consommateur peut choisir le 'plus équitable', mais pas à n'importe quel prix. Mais le plus important, c'est que, du côté de la production, nous devons aider les producteurs à sortir de la protection que représente le mouvement du commerce équitable. Cette protection n'est pas durable à terme et ne peut couvrir qu'une fraction infime des producteurs. Sans que ce soit son intention, le mouvement a un effet de division sur les producteurs. ...mais nos agriculteurs méritent un marché de masse Dans les coopératives et les autres exploitations d'où sortent les produits équitables, il y a beaucoup à faire pour accroître la productivité afin de concurrencer les produits des plantations multinationales. La gestion des déchets et des approvisionnements, les économies d'échelle et l'efficacité sont des concepts que les groupements de producteurs doivent adopter. Il faut encourager le producteur à s'approprier les moyens de production concrètement, afin que chacun soit plus responsable de sa production. En aval, il faut consacrer plus d'attention à la logistique, au transport et aux stratégies commerciales. Paradoxalement et sans le vouloir, le mouvement du commerce équitable est paternaliste. Cela n'aide pas nos producteurs, car, si quelques-uns peuvent trouver des débouchés sur ce marché sentimental, la plupart restent exposés aux aléas du marché général. C'est donc dans ce marché global que nous devons intervenir, en donnant à nos producteurs les moyens de répondre à ses défis. Des programmes de formation initiés actuellement par la Banque mondiale en Afrique de l'Ouest visent par exemple à aider les agriculteurs et les commerçants à comprendre la nouvelle législation européenne concernant l'environnement et les produits agricoles qui aboutissent par exemple à des restrictions sur les importations d'arachide du Mali et du Sénégal. La stratégie est de négocier directement et sur un pied d'égalité avec les importateurs, sans intermédiaires, qu'ils soient des commerçants ou des organisations de commerce équitable. Le commerce équitable a rempli sa mission, en éveillant un intérêt et en ouvrant un marché. Mais ce n'est pas le salut universel, et les forces du marché vont peu à peu l'éliminer du paysage. Finalement, nous devons traiter le problème fondamental de l'Afrique : son manque de confiance. La confiance, c'est la sûreté, et cela s'acquiert par l'éducation, en prenant des risques, en chutant et en se relevant, sans être toujours protégé. Nous avons besoin de confiance pour développer des produits équitables et marchander pour notre compte. Alors seulement, nous aurons un marché équitable. Les opinions exprimées dans ce Point de vue sont celles de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement les idées du CTA.Le 'commerce équitable' n'est pas qu'un slogan. C'est une véritable pratique commerciale, fondée sur l'équité dans les relations d'échange, comme dans la façon dont les biens sont produits : sans exploitation abusive et sans agression pour..