Élevage et environnement vers un nouvel équilibre

De nos jours, l'élevage est le premier consommateur des terres du monde et connaît une expansion sans précédent. Mais son coût en matière de ressources naturelles est déjà trop élevé. La demande continuant à augmenter, il faut trouver des solutions pour améliorer la productivité de l'élevage sans nuire davantage à l'environnement qui lui sert de cadre. Pour notre plus grand péril, nous ignorons encore l'interaction entre l'élevage et le monde dans lequel nous vivons, ses ressources naturelles dont dépend notre survie. Environ un quart de la surface terrestre totale est utilisé pour le pâturage. En outre, environ un cinquième des terres arables mondiales sert aux cultures céréalières destinées à l'alimentation du bétail. L’élevage est en passe de devenir la principale activité agricole en terme de revenu économique car le nombre de consommateurs potentiels de produits animaux augmente plus vite que ne le fait la population mondiale. Cela parce qu'en moyenne, le revenu réel des consommateurs des pays en développement a doublé depuis le début des années 60 et que l'augmentation mondiale de la richesse permet à un plus grand nombre d'individus d'accéder aux protéines de haute valeur que procurent les produits de l'élevage. La demande s'envole, mais pas uniquement parce que plus de gens ont les moyens d'acheter les denrées qu'ils souhaitent. Ces gens sont toujours plus nombreux à vivre en ville, et les citadins consomment davantage de produits animaux que les ruraux. On ne peut envisager de décourager cette demande, cela priverait des millions d'individus d'une chance d'améliorer leur régime alimentaire. L’élevage a longtemps eu mauvaise presse, mais on se rend compte aujourd'hui que le bétail n'est pas plus responsable de la déforestation, du surpâturage ou de la pollution que ne l'est l'automobile dans un accident de la route. C'est la pauvreté qui est trop souvent à l'origine des atteintes à l'environnement. Les paysans pauvres épargnent toute leur vie pour accéder à la propriété d'un lopin de terre cultivable, mais les seules terres à portée de leur bourse se trouvent dans les zones semi-arides marginales qui conviennent mieux au pâturage. Selon Abdi Umar, du Forum Pastoraliste du Kenya, « ils retournent le sol, l'exposant ainsi au vent et à l'érosion, et n'obtiennent une récolte que peut-être deux années sur cinq ». Certains s'adaptent aujourd'hui à la réalité et tentent de se convertir à l'élevage, mais une fois que la couverture végétale d'origine a disparu, il est difficile de rétablir un bon pâturage. Du point de vue écologique, la situation est désastreuse. « C'est ce qu'au Kenya nous appelons une double tragédie » déclare Abdi Umar. C'est une tendance qui non seulement met en péril la pérennité de la production agricole, mais peut aussi conduire au soulèvement social. Par exemple, dans de nombreux pays, les conflits entre éleveurs et agriculteurs sont de plus en plus fréquents depuis que les deux types d'activités sont en concurrence territoriale dans les zones semi-arides. Avec l'abandon des méthodes traditionnelles de répartition foncière des activités, le stock de ressources naturelles se dégrade et on se dispute les meilleurs restes avec d'autant plus de pugnacité. Dans certaines parties de l'Afrique où l'écotourisme s'est développé suffisamment en tant qu'activité économique pour rivaliser avec l'agriculture, on commence à vouloir offrir une part plus équitable du revenu touristique aux éleveurs qui contribuent à entretenir cette nature traditionnelle que les touristes s'attendent à trouver. Robin Masaki, qui fut jusqu'à sa retraite directeur de la division de gestion des ranchs au ministère de l'Agriculture de Tanzanie, pense que les planificateurs reprennent conscience de la nécessité pour les pasteurs de disposer de terres réservées au pâturage. « Les zones de pâture doivent être définies et protégées par la loi contre l'empiétement des cultures, des parcs nationaux et des réserves de gibier. » Il estime que les gouvernements sont de plus en plus conscients de la nécessité de reconnaître ces communautés et de prêter une véritable attention à leurs propos et à leurs besoins au lieu de décider de leur sort depuis les quartiers généraux. En Ethiopie, des efforts ont été faits pour fournir aux agriculteurs les moyens dont ils ont besoin pour augmenter leur productivité par tête et ainsi éviter d'augmenter le cheptel pour conserver les revenus. Selon H. Gebru, du ministère de l'Agriculture éthiopien, « nous ne pouvons en aucun cas sacrifier les ressources naturelles à la satisfaction de besoins immédiats. Cela affectera directement ou indirectement les êtres humains - tôt ou tard. » Une importante étude de l'impact des systèmes de production animale sur l'environnement a retenu l'attention lors d'une conférence internationale organisée en juin dernier aux Pays-Bas. Cette conférence, intitulée « Elevage et environnement », était par rainée par la Banque Mondiale, la Commission européenne, la FAO et les gouvernements danois, allemand, néerlandais, britannique et américain. Selon Alexander McCalla, directeur du département des ressources naturelles de la Banque Mondiale, «plus de 100 millions de tonnes, soit environ un tiers du volume total des denrées agricoles échangées dans le monde, sont des produits issus de l'élevage ou destinés à l'alimentation du bétail. » Les produits échangés contiennent aussi des millions de tonnes d'éléments nutritifs des plantes. Ceux-ci sont souvent soustraits au sol de pays où la fertilité des terres est en baisse, avec des conséquences telles que l'érosion des sols, et sont destinés à des pays qui ont déjà un excédent en engrais et où ces fertilisants importés aggravent encore le risque de pollution du sol et de l'eau. « Nous ne pouvons rester les bras croisés et ignorer l'impact sur l'environnement, » a affirmé Henning Steinfeld de la FAO et coauteur du rapport d'étude. Les relations entre élevage et environnement sont complexes et multiples, et représentent un défi pour les décideurs qui doivent également prendre en compte les facteurs économiques et sociaux dont le poids et l'impact politiques sont beaucoup plus puissants. Cependant nous disposons amplement des connaissances nécessaires pour augmenter la production de l'élevage tout en réduisant le recours aux ressources naturelles par unité produite. Ces techniques étant généralement disponibles, il ne manque en pratique que la volonté de sauvegarder ce patrimoine de ressources naturelles. Les débats qui animèrent la conférence de juin laissent supposer que cette prise de conscience, la volonté politique et la volonté d'action commencent à gagner les principaux acteurs ; cela devrait déboucher sur une réelle prise en charge de ces problèmes trop longtemps éludés.De nos jours, l'élevage est le premier consommateur des terres du monde et connaît une expansion sans précédent. Mais son coût en matière de ressources naturelles est déjà trop élevé. La demande continuant à augmenter, il faut trouver..