Produire plus avec moins d'eau

Les cultures peuvent se passer d'engrais et même de terre, mais elles ne survivent pas sans eau. Privées d'un taux d'humidité suffisant, les plantes ne peuvent mobiliser les éléments nutritifs du sol et un manque d'eau aux stades cruciaux de leur développement stoppe leur croissance. Des rendements plus élevés sont souvent les plus nécessaires dans des pays on l'eau se raréfie, soit en raison de la faiblesse des précipitations annuelles, soit parce que les pluies sont concentrées sur quelques périodes entrecoupées de longs intervalles de sécheresse. Pour pouvoir répondre aux futurs besoins alimentaires, les agriculteurs devront mieux exploiter toutes les ressources en humidité disponibles par la collecte et le stockage de l'eau et une irrigation efficace. L’Organisation météorologique mondiale estime que la consommation en eau a triplé au cours des vingt dernières années et qu'elle a doublé comparativement au taux de croissance démographique. L'agriculteur est le plus gros consommateur d'eau d'un pays (voir Spore 57: Si l'eau vient à manquer). Des mesures d'urgence sont nécessaires pour améliorer la gestion de l'eau de manière à la conserver et en tirer le meilleur parti. Une tradition de collecte de l'eau et d'irrigation existe dans de nombreuses régions d'Afrique depuis des siècles, voire des millénaires, dont on trouve la trace dans la topographie, les structures et les pratiques. C'est pourtant en Afrique subsaharienne que l'on rencontre la plus faible densité de terres irriguées au monde. La FAO estime que la proportion de terres irriguées par rapport à la totalité `des terres arables est de 37 % en Asie, de 24 % en Afrique du Nord et de 15 % en Amérique latine alors qu'elle n'est que de 4 % en Afrique subsaharien ne. En outre, 75 % de l'ensemble des terres irriguées africaines se trouvent dans six pays seulement : l'Egypte, Madagascar, le Maroc, le Nigeria, l'Afrique du Sud et le Soudan. Toutefois, ces chiffres ne font référence qu'à l'irrigation et ne prennent pas en compte les nombreuses techniques de collecte d'eau et de récupération de l'humidité résiduelle, telles que la culture dans le lit des rivières et plans d'eau saisonniers (les dambos) en Zambie et les cultures de décrue sur les berges qui sont cultivées à mesure que le niveau des eaux baisse. Ces techniques opportunistes traditionnelles à des fins agricoles sont le moyen le plus simple et le plus économique d'atteindre de meilleurs rendements malgré une disponibilité en eau réduite. L´irrigation est nécessaire, c'est clair, mais le coût d'installation la met souvent hors de la portée des petits exploitants. En Afrique, le matériel d'irrigation est essentiellement importé. La FAO a noté qu'au Malawi, en Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe, les pompes, les tuyaux et les buses, de fabrication locale ou d'importation coûtent entre trois et dix fois plus cher qu'en Asie. Il n'est donc pas surprenant que la majorité des terres irriguées soient sous contrôle de l'Etat et des institutions paragouvernementales telles que l'Office du Niger au Mali ou la Gezira Authority au Soudan, ou entre les mains de grandes sociétés agricoles exportatrices. Les solutions pour les petits exploitants Les agriculteurs des pays ACP sont parfaitement conscients de dépendre de l'eau. Trois' possibilités s'offrent aux petits exploitants : investir dans l'irrigation, utiliser les techniques de collecte et de conservation de l'eau, cultiver des espèces plus tolérantes à la sécheresse. Lorsque le matériel d'irrigation est trop cher, la combinaison des deux autres options permet encore d'augmenter significativement de la productivité à un coût minimal. L'une des premières solutions pour les agriculteurs prévoyant un manque de pluies est de cultiver des espèces plus tolérantes à la sécheresse : dans les zones de culture de maïs, il peut être nécessaire de planter du sorgho, et dans les zones les plus arides, du millet. Le manioc tolère également très bien la sécheresse. Les habitudes alimentaires devront peut-être s'adapter en fonction des possibilités locales de culture, ou il faudra faire payer les aliments d'importation au prix fort. Il y a 3000 ans, les Nabatéens ont mis au point des méthodes de collecte de l'eau dans la région occupée aujourd'hui par Israël et la Jordanie et ce n'est probablement pas un hasard si des techniques similaires sont toujours en usage sur les monts de la mer Rouge au nord-ouest du Soudan et dans le Darfour central. Selon la topographie, les oueds sont endigués avec de la terre et l'eau distribuée sur une large étendue de cultures; ou encore l'eau de ruissellement est retenue sur les pentes à l'aide d'une série de diguettes (10 cm de haut) en forme de croissant, qui forcent l'eau à s'infiltrer dans le sol avant que le surplus ne remplisse les trus successifs. Le rendement du sorgho cultivé dans ces trus est de 12 à 17 sacs à l'hectare, alors qu'hors trus et au cours des années normales, on obtient de 5 à 7 sacs de millet à l'hectare. Au Niger, les agriculteurs ont amélioré les cuvettes de culture traditionnelles (les tassa) en augmentant leur diamètre de 20 à 30 cm et leur profondeur de 10 à 25 cm. La terre extraite est épandue sur la pente afin d'augmenter la rétention d'eau. On ajoute du fumier et un peu d'engrais à chaque tassa avant les pluies. Au Burkina Faso et au Mali, ces cuvettes de culture sont connues sous le nom de zai qui signifie poche d'eau » ; elles sont espacées de 0, 80 à 1, 00 mètre les unes des autres. En Tanzanie, les agriculteurs du district de Maswa ont récemment développé le concept nabatéen de canalisation des pluies tombant sur une surface importante de terrain abrupt pour irriguer une étendue cultivée plus restreinte, des rizières en l'occurrence. Ils ont raffiné la technique en mettant délibérément le sol des pentes à nu pendant la saison sèche de afin que les premières pluies forment une croûte à la surface du sol pour réduire l'infiltration et optimiser le phénomène de ruissellement. En procédant ainsi, les agriculteurs ont pu tirer le meilleur parti de ces conditions si souvent prises en exemple pour illustrer la mauvaise conservation des sols et de l'eau, où la pluie tombe sur la croûte superficielle d'un sol victime du surpâturage, et y glisse sans profiter à la terre ou aux cultures. Enfin, les terrasses Fanya ju mises en oeuvre dans le district de Machakos au Kenya offrent encore un exemple d'initiative locale prouvant l'efficacité des techniques simples de stockage des eaux de pluie afin d'optimiser la croissance des cultures (voir Spore 51 p. 5 : La culture des versants). Les contraintes en matière d'approvisionnement en eau pour l'agriculture sont inévitables et peuvent limiter considérablement l'irrigation conventionnelle des cultures. Les agriculteurs les plus modernes sont déjà nombreux à avoir opté pour les systèmes de goutte à goutte les plus efficaces mis au point par les fermiers américains et israéliens, mais ils restent dépendants de l'alimentation en eau. Si l'on veut maintenir et si possible accroître les rendements agricoles des prochaines années, il faut considérer la collecte et le stockage de l'eau comme prioritaires.Les cultures peuvent se passer d'engrais et même de terre, mais elles ne survivent pas sans eau. Privées d'un taux d'humidité suffisant, les plantes ne peuvent mobiliser les éléments nutritifs du sol et un manque d'eau aux stades cruciaux de..