Traction animale et petite mécanisation l'attelage de l'intensification

La traction animale contribue aujourd'hui plus que jamais à la production alimentaire mondiale. Elle a prouvé sa grande efficacité économique, sa facilité d'appropriation par l'utilisateur, avec les coûts de carburant en moins et le fumier en plus... L'organisation des paysans et un environnement politique et macro-économique favorable aideront à sa diffusion. Nous sommes dans une phase d'accroissement de l'utilisation de l'énergie animale dans le monde. On en utilise plus en cette fin de XX siècle qu'à la fin du XIX, en particulier parce que la population et les besoins alimentaires ont triplé. Et le poids relatif des agricultures du Sud, encore très peu intensifiées, réserve un immense potentiel de progrès pour la traction animale », constate Philippe Lhoste, responsable du programme Agriculture élevage du CIRAD/EMVT. Dans les petites et moyennes exploitations, l'usage d'équipements de culture motorisée est rare. Au Sénégal, par exemple, le tracteur n'a conquis que 5 à 10 % de l'espace. Tout le reste est cultivé ou transporté avec des animaux - 20 à 40 % selon les régions - et plus souvent encore à la main, pour les semis, le désherbage et la récolte. Le travail manuel du sol (plus de 70 % des paysans du tiers monde n'emploient actuellement que des outils manuels) est lui-même encore très fréquent, de même que le portage. Pour Gérard Le Thiec, du CIRAD/SAR, la culture attelée et mécanisée est une technique relativement bien adaptée comme en témoigne son utilisation sans cesse croissante. « En Afrique subsaharienne, le cheptel de trait est passé de 10 millions de têtes en 1980 à 12 millions en 1990. Dans les pays d’Afrique subsaharienne francophone, la traction animale a quadruplé en vingt ans. En 1990, le cheptel de trait était estimé à 1, 4 million de têtes et les équipements agricoles à 2 millions d'unités (charrues, multiculteurs, charrettes et semoirs). » Cet engouement pour la culture attelée et mécanisée est particulièrement sensible pour certaines cultures de rente actuellement, 70 % des exploitations de coton au sud du Mali la pratiquent et 90 % dans le bassin arachidier du Sénégal. Des cultures vivrières comme le maïs en Afrique de l'Est et le riz à Madagascar en tirent aussi de nombreux avantages. Près de 400 espèces animales différentes sont aujourd'hui mises à contribution sous toutes les longitudes : équidés, bovidés, camélidés. Le principal et difficile enjeu des programmes de traction animale est la diffusion de modes de gestion intensifs des animaux de trait. Les paysans « mécanisés » ont encore beaucoup à faire pour améliorer le sort de leurs animaux, en particulier sur le plan de la santé. Certains programmes de vulgarisation informent notamment les propriétaires sur la façon d'améliorer l'alimentation des animaux en fin de saison sèche avec les sous-produits agricoles disponibles localement. Les ruminants tirent un bon parti des fanes d'arachide et des tiges de maïs, de riz, de sorgho ou de mil. Souvent négligé, le tourteau de coton convient aussi à l'alimentation animale : deux ou trois cents kilos, en fin de saison sèche, suffisent à deux boeufs d'élevage. Ce que les bêtes ne mangent pas s'intègre à la litière et au fumier. Les forgerons, important maillon de la filière Les propriétaires d'animaux de trait disposent d'une gamme d'outils adaptée aux milieux et aux systèmes de production : des outils modernes et performants pour la préparation du sol, l'entretien et le sarclage, des charrues légères pour l'âne, intermédiaires pour le cheval, plus lourdes pour les boeufs. Des expériences de fabrication locale, qui ont su organiser les forgerons et améliorer les savoir-faire locaux, donnent des résultats très encourageants. Pour Gérard Le Thiec, « en comparaison des unités industrielles, les réseaux d'artisans présentent l'avantage d'une grande capacité d'adaptation. Les résultats sont importants dans des pays ayant une tradition du travail du fer et où la traction animale est développée (Burkina, Guinée, Mali, Sénégal). Pour les matériels en service, la fabrication artisanale représente à peu près les deux tiers des charrettes au Burkina, au Mali et au Sénégal, 50 % des souleveuses d'arachide, moins de 10 % des charrues au Burkina, au Mali et en Guinée et quelques milliers de multiculteurs et de houes au Mali. Mais il reste difficile d'organiser leurs compétences pour l'ensemble des besoins. » Les réseaux de forgerons, qui sont un élément important de la diffusion de la petite mécanisation, doivent encore résoudre des problèmes de crédit, de standardisation des produits et d'approvisionnement en pièces détachées. L’entrave au développement plus large de la traction animale et de la petite mécanisation est avant tout économique. Le plus souvent, les agriculteurs ont un grand désir de s'équiper, mais l'investissement reste coûteux. Au Nord-Cameroun par exemple, un attelage constitué de deux boeufs et une charrue coûtent 300 000 à 400 000 FCFA. Si le paysan veut la charrette en plus, il devra ajouter 250 000 FCFA. Or, la capacité de financement de l'exploitation familiale a fortement diminué au cours des vingt dernières années. Les débouchés commerciaux sont limités, la dimension des exploitations se rétrécit du fait de la démographie et la disponibilité du crédit ne s'améliore guère. Une ponibilité du crédit ne s'améliore guère. Une plus grande diffusion de la petite mécanisation et de la traction animale nécessite que les gouvernements sécurisent les investissements en organisant les marchés des produits agricoles, en assurant leurs prix et en instituant des tarifs douaniers cohérents. Enfin, ainsi que le souligne Gérard Le Thiec, « l'organisation des paysans est indispensable. Ils doivent prouver leur capacité à gérer des programmes d'équipements et à formuler des demandes précises en matériels agricoles. En l'absence de structures professionnelles agricoles ou de développement, deux obstacles se présentent à la distribué tion directe du matériel : l'absence de garanties d'un paysan isolé et le bancaire classique. » Pour en savoir plus Agriculture africaine et traction animale Ouvrage coordonné par G. Le Thiec ISBN : 2-87614-240-6 - (Voir article p. 13) Traction animale et motorisation en zone cotonnière d'Afrique de l'Ouest - Y Bigot - G. Raymond CIRAD-SAR - Boîte Postale 5035 34032 Montpellier Cedex 1 - FRANCE ISBN : 2-906390-15-1 Un paysan français parmi les paysans du Tiersmonde - Vie de Jean Nolle - Pierre Truteau L'Harmattan - 5, rue de l'Ecole Polytechnique 75005 Paris - FRANCE - ISBN : 2-7384-3133-X Le pari du tracteur - La modernisation de l'agriculture cotonnière au Burkina Faso P Tersiguel - ORSTOM - 2 13, rue La Fayette 75480 Paris Cedex 10 - ISBN : 2-7099-1270-8La traction animale contribue aujourd'hui plus que jamais à la production alimentaire mondiale. Elle a prouvé sa grande efficacité économique, sa facilité d'appropriation par l'utilisateur, avec les coûts de carburant en moins et le fumier en..