Nouvelles cultures, nouveaux produits

Dans les Mille et une nuits, le méchant oncle d'Aladin échangeait des lampes neuves contre des vieilles car il recherchait une vieille lampe magique qui devait faire sa fortune. Lorsque les agents de développement agricole parlent de 'nouvelles cultures', ils font allusion á des cultures qui ne sont pas réellement nouvelles non plus, mais dont ils espèrent qu'elles procureront richesse et prospérité aux agriculteurs ainsi qu'aux communautés rurales et aux économies nationales. Au cours de l'histoire, l'homme a utilise des milliers d'espèces végétales pour Son alimentation, mais quelques unes seulement, environ 150, ont été cultivées à des fins commerciales. Aujourd'hui, la plupart des gens se nourrissent avec une vingtaine d'espèces végétales : céréales, tubercules, légumineuses, canne à sucre ou betterave, noix de coco et bananes. La sélection variétale, la protection des cultures et le développement des techniques de transformation se sont concentrés sur les quelques cultures commerciales les plus importantes. En conséquence, les espèces ne rentrant pas dans ces catégories sont encore largement sous-exploitées. Ces plantes reléguées au second plan sont pourtant parfois très appréciées localement comme composantes d'un système d'exploitation complexe mais ni les agriculteurs ni les commerçants n'en perçoivent le potentiel commercial. Les habitudes alimentaires européennes en vogue de nos jours sous les Tropiques sont en partie responsables de cet état de fait Même si l'on peut comprendre cette tendance vers une diminution du nombre des espèces cultivées, répond-elle aux impératifs de la sécurité alimentaire, sans parler des intérêts économiques ? La monoculture est toujours risquée, à cause des maladies, des infestations de ravageurs ou encore d'une chute des cours mondiaux. Il est en outre difficile d'assurer la réussite commerciale de denrées de faible valeur produites en grandes quantités dont les pays ACP sont devenus traditionnellement dépendants. Une gamme diversifiée de produits chers ou à haute valeur ajoutée est plus séduisante d'un point de vue économique, mais il faut bien admettre qu'il est difficile de développer les marchés pour de nouvelles denrées. Il est presque aussi difficile de trouver un créneau commercial que la lampe d'Aladin. Quelques plantes à bon potentiel Les pays ACP recèlent pourtant des trésors : des fruits appétissants et nourrissants, des plantes dont certains composants intéressent l'industrie pharmaceutique. Les conditions agronomiques des pays ACP peuvent aussi convenir à la culture d'espèces autochtones ou importées, particulièrement les plantes oléagineuses qui intéressent l'industrie chimique pour la production des plastiques et de leurs dérivés. En Erythrée par exemple, on cultive maintenant à des fins commerciales la vernonia (Vernonia galamensis) qui pousse à l'état sauvage en Afrique de l'Est et de l'Ouest. La graine issue de sa fleur, semblable à celle du chardon, contient 40 % d'huile. Le rendement de cette plante peut atteindre 1, 5 t/ha. L’huile de vernonia sert de plastifiant stabilisant pour le polychlorure de vinyle (PVC) et se combine aussi avec le polystyrène pour la fabrication de plastiques spécifiques. Son prix de vente est évidemment très élevé. Lamande de karité (Vitellaria paradoxa ou Butyspermum paradoxum), arbre qui pousse naturellement de l'est du Sénégal au nord-ouest de l'Ouganda, est depuis longtemps une denrée importante sur le marché intérieur et sur celui d'exportation. Mais, ces arbres étant sauvages, les rendements et la qualité des amandes sont extrêmement variables et leur valeur industrielle reste limitée. Cependant l'usage du beurre de karité est aujourd'hui plus largement admis en Europe en tant que substitut au beurre de cacao dans la fabrication du chocolat. Il pourrait donc avoir de plus vastes débouchés. Qui plus est, l'industrie pharmaceutique et cosmétique pourrait trouver un intérêt commercial aux propriétés médicinales uniques de l'huile de ces amandes. La sélection d'espèces à croissance plus rapide, à fructification plus précoce et à rendements plus constants en stimulerait l'exploitation commerciale. Un autre arbre, le masuku (Uapaca kirkiana), obtient un bon succès commercial. Son fruit se consomme frais ou transformé en jus, en sirops, en confitures ou en gelée ; on vend du vin de masuku dans les supermarchés urbains du Malawi et de la Zambie et le fruit sert également à la production de gin et de bière. Cet arbre originaire d'Afrique tropicale pousse en symbiose avec des champignons comestibles pour lesquels il existe aussi un marché d'exportation. Comme pour le karité, la domestication de ces espèces encore sauvages représente un potentiel considérable. De 'nouveaux' fruits ont été introduits avec succès dans les pays ACP qui ont développé une industrie touristique, comme les Seychelles, l'île Maurice et les pays du Pacifique et des Caraïbes. A la suite des études de marché réalisées sur les consommateurs de passage, bon nombre de ces fruits ont maintenant trouvé leur marché d'exportation auprès des touristes de retour chez eux. A technique nouvelle, nouveau produit Les techniques de transformation modernes pourraient revitaliser et donner une valeur considérable aux cultures traditionnelles de subsistance. Le nombre croissant de citadins et de femmes qui travaillent entraîne une demande pour des aliments simples et rapides à préparer, et ce marché, jusqu'à présent largement couvert par des produits à base de blé ou de maïs, est en expansion. Si le sorgho et le millet peuvent être éclatés, soufflés ou mis en flocons, les populations urbaines et á rurales en tireront des avantages importants. U éclatement est une technique relativement simple qui demande moins d'investissement que le soufflage ou la mise en flocons. Mais toutes ces techniques pourraient servir à donner du volume aux petits grains de millet, est encore peu exporté, de sorgho, de fonio, etc., et à en améliorer le goût tout en fournissant un produit à haute valeur ajoutée, prêt à la consommation. Le développement commercial de nouvelles cultures et de nouveaux produits implique des investissements, mais l'industrie rechigne à investir sur des nouveaux marchés, surtout s'il faut développer des techniques de transformation. Investir dans une petite machine doit se révéler rentable, même au niveau d'une exploitation ou d'une coopérative agricoles. En règle générale, cette machine devra donc être polyvalente et durer plus d'une saison. U introduction de nouvelles espèces ne devrait se faire que si elles peuvent s'adapter au système de culture préexistant ou qu'elles contribuent à la mise en valeur de terres marginales et, dans la mesure du possible, diminuent les risques plutôt qu'elles ne les augmentent. C'est souvent ce dernier critère qui ouvrira la voie d'une commercialisation.Dans les Mille et une nuits, le méchant oncle d'Aladin échangeait des lampes neuves contre des vieilles car il recherchait une vieille lampe magique qui devait faire sa fortune. Lorsque les agents de développement agricole parlent de 'nouvelles..