Ajustement structurel et agriculture

L'agriculture n'échappe pas aux règles économiques générales ni aux décisions politiques. Les profondes mutations que l'Afrique connaît provoquent des remous jusque dans les villages et, aujourd'hui, l'agronome et le chercheur se trouvent confrontés à de nouvelles réalités qui s'appellent «ajustement structurel» ou «libéralisation». Peuvent-ils les ignorer ? Ce n'est pas l'avis d'un lecteur de SPORE, M. Papa Abdoulaye Seck, chercheur à l'Institut Sénégalais de Recherche Agronomique (ISRA) qui nous a fait parvenir son point de vue sur une question qui semble être au coeur des préoccupations des «hommes de terrain». Nous en publions ici les principaux extraits. S'il existe dans les PVD une expression qui a atteint un score élevé du point de vue de son utilisation dans les discours politiques,c'est bien «ajustement structurel». Ensemble de mesures préconisées par les institutions financières internationales en vue d'un rétablissement de meilleures conditions d'efficacité économique et de croissance de plusieurs secteurs, dont l'agriculture. Vers la fin des années 70, les prix des produits de base étaient élevés et les banques avaient de forts dépôts émanant des pays exportateurs de pétrole. Cette situation très favorable a été saisie par les gouvernements des pays en développement qui ont contracté des emprunts importants à relativement court terme. Avec la récession mondiale qui s'est manifestée au début des années 80, la capacité d'endettement s'est trouvée fortement remise en cause. Nouvelle logique agricole Le retour à l'équilibre budgétaire s'est imposé avec, notamment, la réduction des dépenses publiques. Réduire le train de l'Etat implique plusieurs mesures parmi lesquelles le transfert de certaines charges à des repreneurs, des licenciements, des blocages de salaires, l'arrêt des recrutements, la diminution ou même la suppression des subventions à la consommation et à la production, la réduction des investissements. La logique qui pilotait l'attitude des décideurs africains au lendemain des indépendances est profondément revue dans le sens du libéralisme. Ceci se ressent dans tous les domaines et particulièrement dans le secteur agricole. Les grandes entreprises étatiques de commercialisation et de fourniture d'intrants et sociétés d'encadrement voient leur existence contestée, une «licence d'initiative» est délivrée à ceux qui veulent assumer leur propre sort. Il est aussi question du rétablissement de la balance des paiements, le fondement d'une telle volonté repose sur la réduction des importations et une véritable relance des exportations. Pour cela, il faut créer les conditions d'une relance de la production agricole et promouvoir la consommation de produits locaux. Or, l'absence d'une protection contre les aléas de tout ordre qui menacent l'exploitant agricole n'est pas de nature à sécuriser les comportements d'intensification des producteurs. Le transfert des charges de l'Etat aux acteurs des filières signifie alphabétisation des populations rurales et développement du crédit en milieu rural sur des bases autres que celles des banques classiques. Le transfert au monde rural Quant à l'implantation du privé dans l'agriculture, il ne faut pas perdre de vue le fait qu'un bon gestionnaire de risque dans les pays en développement place d'abord son avoir dans des opérations immobilières avant de penser à un secteur aussi aléatoire que l'agriculture, surtout quand celle-ci ne jouit d'aucune protection. Le secteur informel a incontestablement des activités étroitement liées au pouvoir d'achat des urbains du secteur formel, mais celui-ci connaît une érosion de son pouvoir d'achat due au blocage des salaires et/ou des pertes d'emplois des pays sous ajustement structurel. Quel est alors l'avenir du secteur informel dans de telles conditions ? Il ne faut pas non plus oublier que la bataille pour atteindre l'autosuffisance alimentaire dans les pays en développement ne peut être gagnée sans un outil de recherche agronomique performant. Ce secteur est aussi affecté par les programmes d'ajustement structurel, qui voit son effectif et ses moyens diminuer continuellement alors que la démographie continue de galoper et la dépendance alimentaire se renforcer chaque jour. La recherche, première victime D'aucuns se demandent si nous ne nous acheminons pas vers la fin de la recherche agronomique dans les PVD. L'agriculture a besoin de «médecins» comme les autres secteurs. Ses médecins sont les chercheurs. On ne peut pas dire qu'elle est malade et la priver de thérapie. L'enclavement de la plupart des zones rurales ? Le mauvais état des routes dans les PVD sont de réels problèmes qui empêchent une bonne valorisation de la production agricole. A cela, il convient d'ajouter l'absence de marchés urbains et... en harmonie avec l'augmentation des besoins et la poussée démographique. Quel que soit le degré de transfert des charges de l'Etat, ces problèmes sont à régler par lui-même grâce à des investissements. Seules les recherches agronomiques adaptées et une réelle volonté politique peuvent permettre de trouver des alternatives crédibles pour l'agriculture face aux problèmes d'ajustement structurel qui ont tellement éprouvé le continent africain sans produire les effets escomptés. Papa Abdoulaye Seck Les opinions émises dans cette tribune libre n'engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient être attribuées au CTA.L'agriculture n'échappe pas aux règles économiques générales ni aux décisions politiques. Les profondes mutations que l'Afrique connaît provoquent des remous jusque dans les villages et, aujourd'hui, l'agronome et le chercheur se trouvent..