L'agriculture : une activité a hauts risques

Pas d'assurance tous risques pour l'agriculteur africain. A lui de s'entourer de toutes les garanties afin de produire ce dont il a besoin pour nourrir et entretenir sa famille. Ceci explique la prudence des paysans face aux mots d'ordre du développement. Notion souvent négligée, la quête de la sécurité détermine généralement les stratégies des paysans. Aussi, si les développeurs et les chercheurs veulent avant tout faire produire plus, les agriculteurs cherchent surtout à vivre mieux en limitant les risgùes. Une règle d'or qui a fait ses preuves pour y arriver : 'ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier'. Manger à sa faim est la première et légitime préoccupation du paysan. Pour lui, surtout au Sahel, les risques de mauvaise récolte sont très lourds. Les années 'normales', où les pluies sont suffisantes et bien réparties, ne sont pas la règle. Elles ne représentent guère qu'une année sur trois. Dans ces conditions, une seule solution pour être sûr de récolter : répartir les risques dans l'espace comme dans le temps. Le paysan disperse donc ses parcelles sur des terres de cultures aux aptitudes variées. Ainsi, au bord des fleuves, il mise à la fois sur les cultures pluviales d'un bon rapport si les pluies sont abondantes et sur les cultures de décrue indispensables en cas de sécheresse, mais impraticables si les pluies sont trop fortes. Sans certitude sur le déroulement de la saison pluvieuse, l'agriculteur préfère aussi semer en plusieurs fois. Les semis précoces ont théoriquement peu de chances de réussir, ils peuvent cependant s'avérer rentables si les pluies s'arrêtent tôt. Dans les régions plus humides où les céréales ne poussent pas ou se conservent mal, l'échelonnement des semis et l'association des cultures dans le champ vivrier permettent d'avoir à tout moment quelque chose à récolter. Les tubercules déterrés au fur et à mesure des besoins sont ici le seul 'grenier'. La modernisation accroît les risques Autre tactique très courante : le mélange des variétés ou même des plantes au sein d'une même parcelle pour être sûr d'en récolter au moins une. Pratiques justifiées contre les caprices du climat, ces techniques vont à l'inverse des recommandations des agronomes. L'intensification, qui nécessite des cultures pures, des semis en lignes et des variétés améliorées, s'accommode mal de cette dispersion. Les techniques culturales autant que l'organisation sociale des paysans ont toujours pour but d'assurer leur auto-subsistance. Aujourd'hui, les Etats souhaitent, en outre, que les agriculteurs apportent 'l'autosuffisance alimentaire' à leur pays. Produire des vivres pour les villes,cultiver pour l'exportation, c'est désormais ce qu'on attend d'eux. Aux systèmes traditionnels à 'hauts risques', on oppose alors l'agriculture 'moderne' consi- famine qui guette alors les agriculteurs mais dérée comme 'sécurisée et productive'. En la faillite. fait, si les risques ont changé, ils demeurent. Ils sont parfois même plus élevés. La famine ou la faillite ? Ainsi, la culture irriguée est censée supprimer tout risque de manque d'eau et garantir la production. Ce n'est pas l'avis de tous les paysans qui la pratiquent. Malgré leurs efforts et de lourdes charges financières, ils sont souvent victimes des pompes qui tombent en panne, de retards dans la fourniture des intrants, sans parler des difficultés à vendre des récoltes. Autant d e risques nouveaux dont les agriculteurs ne peuvent se prémunir car ils ne les contrôlent pas. Seule assurance possible : la diversité des activités. C'est en ville que les agriculteurs vont aujourd'hui gagner l'argent nécessaire pour boucler leur budget. Avec la culture attelée ou la mécanisation, les surfaces cultivées s'étendent et, alors que l'aléa climatique est toujours là, les risques s'accroissent. Risque de manquer de bras pour certaines opérations restées manuelles et, surtout, risque financier : les investissements en matériel et en intrants sont lourds a rembourser. Ce n`est plus la famine qui guette alors les agriculteurs mais la faillite. Dans les plantations de cultures de rente, l'importance du risque dépend de l'investissement engagé et des revenus qu'on en attend. En Côte d'Ivoire, les agriculteurs ont longtemps considéré le café et le cacao comme des spéculations à moindre risque. Avec des outils sommaires et sans beaucoup de travail, ils obtiennent toujours une récolte qu'ils sont sûrs de vendre à un prix garanti. Ces cultures sont beaucoup plus sûres, même si elles rapportent 6 à 10 fois moins à l'hectare que celle de la banane qui réclame beaucoup de soins, coûte cher et dont les prix varient du simple au double pendant l'année. La chute des cours du café et du cacao remet en cause ces habitudes. En créant un risque nouveau, cette baisse des prix va sans doute changer l'attitude des producteurs. Si les agriculteurs ont su adapter leurs techniques de production aux risques climatiques qu'ils connaissent bien, ils ont parfois du mal à trouver des parades aux risques nouvellement créés par leur environnement économique et les changements intervenus dans leur milieu naturel. La diversité reste toujours le plus sûr garant de leur sécurité.Pas d'assurance tous risques pour l'agriculteur africain. A lui de s'entourer de toutes les garanties afin de produire ce dont il a besoin pour nourrir et entretenir sa famille. Ceci explique la prudence des paysans face aux mots d'ordre du..