Des « champs maudits » affectés par la maladie

CHAPEAU : Le charbon atteint essentiellement les herbivores domestiques autrement dit les vaches, moutons, chèvres et chevaux qui se contaminent en mangeant de l'herbe ou du fourrage souillés par les spores du charbon. La maladie aussi appelée « fièvre charbonneuse », «sang noir» ou encore « anthrax » aux États-Unis doit son nom au sang noir, poisseux et incoagulable des animaux morts de charbon "interne" ou à l'escarre noirâtre qui se forme au point de pénétration du bacille dans la forme cutanée. De plus étant une zoonose, l'homme peut s'infecter au contact d'animaux malades et en manipulant leurs produits dérivés. Les spores du charbon peuvent rester actives dans la terre pendant 200 ans d’où le nom de « champs maudits » comme dans le nord du Bénin, zone d’élevage extensif ou Euloge Aidasso s’est rendu pour enquêter. DURÉE DE LA BANDE : 8’28 Studio Le charbon est donc une maladie potentiellement mortelle pour le bétail. Le Docteur Gbaguidi, médecin vétérinaire, responsable de la surveillance épidémiologique des maladies animales à la Direction de l’Elevage du Bénin, nous donne de plus amples détails sur ses manifestations. Gbaguidi On a deux sortes de charbon : il y a le charbon que nous appelons le Charbon « Bactéridien » qui est une zoonose c’est à dire une maladie qui peut se transmettre de l’animal a l’homme et vice versa, et le Charbon Symptomatique qui est une autre forme de charbon. Aidasso Vous venez de parler de l’existence de deux maladies du Charbon, le Charbon Bactéridien et le Charbon Symptomatique. Allons cas par cas. Gbaguidi Ce sont toutes les deux des maladies telluriques c’est à dire qui sont relatives à la terre : C’est au niveau de la terre que ça se contracte le plus mais elles sont différentes par le germe. D’un coté c’est un germe anaérobie, c’est à dire que c’est un germe qui pousse sans l’oxygène et c’est le cas du germe du Charbon Symptomatique. Mais dans l’autre cas c’est un germe aérobie. Tous les deux germes sporuluent c’est à dire ils forment des spores mais c’est des germes qui sont différents : l’un c’est un bacille charbonneux et l ’autre c’est une clostridie c’est à dire un germe anaérobie. Le charbon Symptomatique c’est un germe anaérobie. Au niveau de la manifestation, on les appelle charbon parce que lorsque vous voyez la couleur du sang, c’est noirâtre et c’est cela qui donne le nom de charbon. Quant à leurs manifestations, il y a formation d’œdème, ce qui est caractéristique. Il y a des formes où il y a des oedèmes cutanés qui apparaissent qui, à la longue, se nécrosent c’est à dire qui se dégénèrent et à la place on voit une formation noirâtre, et le pouls qui est très élevé et lorsque vous êtes à distance, vous pouvez observer le cœur battre et c’est la preuve que le pouls est très élevé …et on a dit qui évolue en septicémie, les deux sont des septicémies donc il y a élévation de température : Quand vous prenez la température, dans le cas du Charbon Bactéridien, la température peut aller jusqu’à 42?. Maintenant pour le Charbon Symptomatique, ce qui est caractéristique c’est que les oedèmes sont au niveau des plages musculaires et quand vous palpez, sous sentez un crépitement … un crépitement c’est à dire vous sentez comme des sons. Vous allez taper et vous allez entendre comme si c’était un tam-tam, des trucs comme ça. Ça c’est l’accumulation d’un gaz à ce niveau qui fait que, quand vous touchez, vous avez ces sons là qui apparaissent et ce gaz là est produit par une toxine que secrètent les clostridies, les clostridies c’est à dire les microbes qui causent la maladie. Donc c’est cette toxine là qui provoque ce gaz là et c’est ce gaz qui donne cette inflammation, cet œdème là au niveau des plages musculaires qui sont douloureuses au départ mais qui par après ne sont plus douloureuses. Aidasso A quels symptômes les éleveurs peuvent-ils rapidement identifier, reconnaître que tel sujet est malade ? Gbaguidi Généralement pour toute maladie, les symptômes sont caractéristiques : c’est d’abord que l’animal n’a pas le comportement normal, c’est à dire un animal cesse de manger et il est toujours derrière quand ils vont au pâturage. C’est des signes qui sont classiques et l’éleveur se rapproche du vétérinaire qui examine de prés et voit ce qu’il y a parce que l’éleveur, il ne peut pas déterminer la température d’une maladie, le cœur qui bat, il peut l’observer mais lorsqu’il y a des oedèmes, ça, ça se voit et vous pouvez tout de suite vous rapprocher … Ah, il y a le muscle qui est gonflé quelque part et voilà … Aidasso Mais est-ce que les éleveurs au Bénin arrivent à identifier rapidement ça ? Gbaguidi Bon c’est des maladies qu’ils connaissent bien. Bon on ne dirait pas tous les éleveurs de toutes les zones parce que les « champs maudits » sont surtout décrits dans les départements Borgou-Aligori et Atakora-Donga. Aidasso Vous avez parlé de « champs maudits ». Ça veut dire quoi ? Gbaguidi « Champ maudit »... Je vous ai dit que c’est des maladies telluriques c’est à dire des maladies que l’on attrape au niveau de la terre ce qui veut dire qu’au niveau de la terre d’un lieu donné, le germe est là. J’ai aussi dit que c’est des germes qui sporuluent c’est à dire quand les conditions ne sont pas favorables, ils se transforment en spores et le germe du Charbon peut vivre plus de 200 ans dans la terre. Donc il est important d’éviter de faire enterrer des animaux parce que tout ça participe à créer les champs maudits c’est à dire à ensemencer le germe. Je vous ai dit aussi tout à l’heure que c’est une septicémie c’est à dire que l’agent pathogène c’est à dire l’agent causal de la maladie circule dans le sang donc il suffit d’une seule goutte de sang pour créer un champ maudit quelque part. Donc le virus pour lui, il est là et ça peut être source de contacts plus tard donc si vous consommez une viande charbonneuse, vous pouvez attraper la maladie et en mourir. Aidasso Mais pourquoi on n’arrive pas à trouver une autre méthode pour enterrer les animaux qui en sont morts ? Gbaguidi Ah non, ce n’est pas qu’on n’arrive pas à trouver une autre méthode pour enterrer les animaux qui en sont morts. Il faut une éducation au niveau de nos éleveurs pour qu’on n’enterre pas ou qu’on ne laisse pas des cadavres en plein air comme on a l’habitude de le faire. Dans les pays où la réglementation est très suivie, où on la met en pratique à la lettre, lorsqu’il y a un cas de charbon, on procède à un abattage sanitaire dans un abattoir indiqué pour cela et les conditions requises sont prises pour éviter de créer justement ces champs maudits là et dans notre situation de pays pauvre, nous n’avons pas encore tout cela et il n’est pas possible d’avoir tout cet arsenal là pour éviter mais le contrôle de la maladie se fait d’une autre manière dans la vaccination et elle était systématique dans les champs maudits c’est à dire des zones considérées comme champ maudit, la vaccination est systématique sur les bovins. Studio Mais comme l’explique le Docteur Tatiana Zakari Touré, chef de service de la santé animale dans le département de l’Alibori et du Borgou, dans le nord du Bénin, cette vaccination systématique ne peut en effet se faire que dans les champs maudits, étant donné les coûts. Zakari Touré On ne vaccine pas les animaux contre la maladie du charbon puisque cette maladie a les cas très rares donc dés qu’on voit qu’il y a les cas là, donc c’est là qu’on commence par vacciner qui peuvent être ne contact. Bon on sait que les champs maudits c’est à Kandi donc dés qu’à Kandi il y a premier signe, premier cas apparaît, ils commencent par vacciner les animaux, Sinon vous voyez, si on doit vacciner tout le cheptel contre le charbon là, d’abord ça sera très coûteux pour les éleveurs, Vous savez nos éleveurs ne sont pas prêts toujours de débourser de l’argent pour la vaccination donc c’est tout à fait inutile. Aidasso Mais la vaccination, quand il y a des suspicions ou bien quand il y a l’alerte, vous avez dit vous commencez par vacciner, mais est-ce que les éleveurs acceptent facilement de débourser pour pouvoir vacciner ? Zakari Touré Bon… c’est ça …les éleveurs … Il faut toujours une sensibilisation… mais dés qu’il y a les cas, eux même ils sont concernés et ils comprennent que c’est dangereux. Ils savent ce que c’est donc ils ne s’opposent pas. Aidasso La dose est à combien? Zakari Touré La dose vaccinale, présentement pour tous les vaccins de petits ruminants et des bovins, est à 65 francs. Aidasso Vous avez les agents qu’il faut pour faire tout ça ? Zakari Touré Vous voyez, on ne peut pas faire tout ce travail seulement avec les agents permanents de l’état parce que nous ne sommes plus nombreux et c’est un travail qui est très volumineux