La Péri-Pneumonie Contagieuse Bovine (PPCB)

La péri-pneumonie contagieuse bovine (PPCB) : Une maladie qui demeure difficile à diagnostiquer. CHAPEAU : La péri-pneumonie contagieuse bovine, connue sous ses initiales de PPCB est une maladie infectieuse qui n’affecte que les bovins. Son diagnostic est particulièrement difficile à établir malgré quelques signes qui peuvent alerter les éleveurs. Le recours à des tests assez sophistiqués en laboratoire est donc indispensable, ce dont les services d’élevage en Afrique ne disposent pas de façon générale en dehors des capitales. Les voies de recherche sur la PPCB porte donc principalement sur l’amélioration des outils de diagnostic comme l’explique François Thiaucourt, médecin vétérinaire, chef du Service de Bactériologie au Programme de Santé Animale du CIRAD de Montpellier au micro de Laurence Lalanne. DURÉE DE LA BANDE : 9’30 Thiaucourt Le problème avec cette maladie c’est que les signes cliniques peuvent être relativement discrets et on va avoir des animaux qui vont être des porteurs chroniques et qui vont représenter un danger pour les troupeaux, pour les animaux sains qui se trouvent à proximité. Lalanne Et comment elle se transmet ? Thiaucourt Alors elle se transmet directement par un animal malade en contact avec un animal sain. Il n’y a pas de transmission indirecte. Il peut y avoir un portage par certains animaux qui n’expriment aucun signe clinique mais qui quand même excrètent la bactérie responsable de cette maladie. Mais il n’y a pas de transmission indirecte par exemple par le fumier et par l’eau de boisson ou ce genre de choses donc c’est uniquement contact entre un animal malade et un animal sain et ça peut être aussi bien à l’intérieur de l’exploitation avec une diffusion progressive dans tout le troupeau ou bien un contact entre différents troupeaux à l’occasion des marchés et donc à l’occasion d’un contact et bien un nouvel animal va se contaminer, va rentrer dans son troupeau et va propager la maladie à l’intérieur du troupeau et ainsi de suite. Lalanne Alors vous dites…bon… il y a des portages, c’est un peu endémique en Afrique, dans quels pays en particulier ? Partout ? Thiaucourt Alors sauf l’Afrique du Nord. En Afrique elle a eu une distribution assez large au 19ème siècle. Petit à petit le nombre de pays infectés a diminué sous l’effet de campagnes de lutte basées sur des vaccinations et sur l’abattage des troupeaux indemnes donc sa distribution avait relativement diminué dans les années 80 et puis on assiste maintenant à une extension de cette maladie dans des zones où elle n’existait pas auparavant. Lalanne Alors justement, vous dites c’est un peu partout en Afrique mais en Europe elle a été éradiquée alors pourquoi elle n’est pas éradiquée en Afrique ? Thiaucourt Vaste question ! … (Rires) …difficile à répondre en quelques minutes : C’est un problème qui est complexe. C’est un problème qui est complexe parce que le diagnostic de cette maladie n’est pas évident. Il peut être relativement facile lorsqu’il y a des cas aigus et donc lorsqu’un éleveur ou un vétérinaire ou un technicien des services d’élevage voit des animaux qui sont atteints de façon aiguë et qu’il y a des animaux qui meurent, les lésions qu’on observe au niveau du poumon sont pratiquement typiques de cette maladie. Le problème d’une part c’est que ces diagnostics, même s’ils sont faits localement, ne remontent pas au niveau des administrations centrales et donc il y a un manque de transmission de l’information. Et puis le deuxième problème, comme je vous le disais, c’est qu’il y a un certain nombre d’animaux qui n’expriment pas de signes clairs de cette maladie et qui pourtant sont dangereux pour les autres et ça, ces animaux on ne peut les détecter par exemple qu’avec des tests de diagnostic comme la sérologie qui va détecter des anti-corps, qui vont signer la présence de la maladie. Et pour avoir des résultats fiables, il faut encore toute une chaîne de diagnostic qui va de la récolte de l’information clinique sur le terrain avec les vétérinaires locaux et les éleveurs, ensuite l’envoi des échantillons, une analyse de ces sérums et ensuite un retour de l’information parce que ça sert à rein non plus d’avoir un résultat au niveau central si les éleveurs n’en bénéficient pas à la fin donc il faut aussi qu’il y ait le retour en information. Et ça, ça suppose une organisation des services vétérinaires avec une bonne coordination entre les services qui dépendent de l’état et éventuellement les vétérinaires de type privé ou les techniciens d’élevage qui interviennent directement dans les élevages sur le terrain. Lalanne Est ce que la seule lutte c’est le vaccin ? Thiaucourt Encore une question un peu difficile ! … (Rires) … La première chose que je voudrais dire c’est qu’avant de lutter, il faut savoir quel est l’impact de la maladie. Et ça, ça passe par la mise en place de techniques de diagnostic, de laboratoire et quelque fois aussi d’approches participatives : Si les éleveurs sont capables de reconnaître les maladies, des questionnaires, des enquêtes permettent éventuellement de savoir si la maladie existe ou non. Savoir si la maladie existe ou non, c’est une première étape, il faut ensuite mesurer son impact parce qu’il ne serait pas logique d’investir des sommes colossales d’argent dans une campagne de lutte si la maladie elle-même ne cause pas plus de pertes économiques que la campagne de lutte ne coûterait. Donc il y a une histoire de coût-bénéfice dans les campagnes de lutte. Et ça c’est un premier problème, c’est que la plupart des pays africains ne savent pas exactement quel est le coût de la maladie. Un coût de maladie ce n’est pas facile … S’ils ne le savent pas, c’est que c’est pas forcément facile à évaluer c’est à dire qu’il y a des coûts directs évidents comme la mortalité mais il y a des coûts indirects que sont par exemple des traitements indirects. Donc je vous disais qu’il y avait des vaccins qui pouvaient être utilisés, des vaccins traditionnels ou des vaccins qui sont produits de façon contrôlée dans des laboratoires de production de vaccins mais il y a aussi les traitements antibiotiques et ça c’est un sujet qui est un petit peu débattu parce qu’on a pu montrer que les traitements antibiotiques, même s’il réduisait les symptômes présents chez les animaux, ne les guérissaient pas complètement. Donc il peut y avoir un conflit entre un intérêt individuel d’un éleveur qui va vouloir traiter ses animaux pour diminuer la mortalité et l’intérêt collectif, par exemple du groupement d’éleveurs ou plus largement de l’état qui va vouloir diminuer l’importance de cette maladie, voire l’éradiquer. Donc il faut concilier les deux. Pour le moment, les antibiotiques, on sait qu’ils sont actifs, par contre, ils ne vont pas éliminer l’infection, donc le troupeau dans lequel il va y avoir des traitements antibiotiques qui vont être effectués, et bien risque d’être toujours dangereux pour les voisins. Lalanne Et puis il y a le problème de la résistance ? Thiaucourt Non seulement la résistance vis à vis de la péri-pneumonie, donc c’est un mycoplasme, qui peut éventuellement devenir résistant, donc on essaye de le suivre avec nos collègues africains qui travaillent dans les laboratoires, mais également des problèmes de résistance pour d’autres agents pathogènes, d’autres bactéries et pas seulement des bactéries dangereuses pour les animaux mais aussi des bactéries dangereuses pour l’homme, parce que les résidus antibiotiques qui vont se retrouver chez les animaux traités, des hommes vont pouvoir les consommer : C’est par exemple le cas du lait. Si vous traitez un animal avec un antibiotique, vous allez retrouver cet antibiotique dans le lait. Si ce lait est fourni à des enfants, à la coopérative laitière, et bien les antibiotiques vont diffuser et éventuellement des bactéries pathogènes dangereuses pour l’homme vont apparaître. Donc vous voyez que le traitement antibiotique, ça peut être utile mais ce n’est pas une panacée. C’est pour ça qu’on essaye de focaliser nos recherches sur le développement de meilleurs vaccins. Donc les vaccins existent à l’heure actuelle … Lalanne Oui parce que vous avez parlé de vaccins traditionnels et puis de vaccins améliorés … ? Thiaucourt Alors les vaccins traditionnels, c’est toujours intéressant de regarder ce qui se faisait dans l’histoire. Il y a eu deux types de vaccins traditionnels qui ont été développés au cours du 19ème siècle. Il y a eu sans doute d’abord en Afrique une méthode d’inoculation de liquide pleural, c’est à dire une partie de la lésion qu’on trouve chez un animal malade, au niveau du chanfrein c’est à dire au niveau de la face des animaux et quand on inocule ce type de prélèvement sous la peau des animaux, et bien si on le fait un petit peu n’importe où, l’animal finit par mourir, Si on le fait au niveau du nez, ça fait une réaction assez abominable il faut bien le dire, avec carrément une excroissance osseuse qui va se développer au niveau du niez des animaux, du chanfrein, au point même qu’on va parler d’une troisième corne qui se développe, et les animaux qui survivent, eux sont parfaitement protégés. Et puis en Europe au milieu du 19ème siècle, il y a un auteur belge qui lui a montré que si on inoculait ce même type de prélèvement à l’extrémité de la queue, on pouvait aussi avoir une réaction inflammatoire locale qui dans la plupart des cas diminue naturellement mais si elle s’étend, c’est qu’on peut couper la queue et donc on limite l’extension de ce problème et l’animal ne meurt plus. Evidemment il ne peut plus chasser les mouches, ça c’est le problème mais quand on inocule à la tête, on peut pas couper la tête… ! Alors évidemment cette vaccination traditionnelle, elle induit quand même des mortalités chez les animaux chez qui on la pratique donc ça c’est un peu embêtant et donc dés qu’on a pu isoler l’agent responsable de cette maladie, on a essayé de copier ce que Pasteur avait fait pour d’autres agents pathogènes et on a essayé d’atténuer l’agent pathogène pour en faire des vaccins et donc ces vaccins ont été développés dans les années 50 et ce sont ces souches qui sont toujours utilisées à l’heure actuelle. Et donc ces souches là existent, elles ont des avantages, des inconvénients …la plupart du temps ce sont des souches qui sont produites et lyophilisées avec le principal avantage étant de stocker de grosses quantités de vaccins dans des chambres froides et d’avoir une conservation sur plusieurs années, une dizaine d’années sans aucun problème si la chaîne du froid est maintenue, ce qui peut poser quelque fois des problèmes en Afrique. Mais dans ces conditions on peut avoir de grosses quantités de vaccins disponibles très rapidement. Ces souches là ont quelques inconvénients et en particulier de ne pas donner une protection de très longue durée ce qui veut dire que ces vaccinations devront être répétées régulièrement si on veut que les troupeaux soient correctement protégés.Une maladie qui demeure difficile à diagnostiquer