Vers un urbanisme de la nuit. Une première approche des nuits de la métropole lyonnaise à travers le concept de qualité de vie

International audienceTemps de l’obscurité et du repos social, la nuit a longtemps été perçue comme une discontinuité et un « temps mort » dans le rythme global de la ville. Toutefois les temps changent : les activités s’y développent et « colonisent » ce nouvel espace-temps (Gwiazdzinski, 2002), faisant de la nuit un nouveau territoire d’opportunités économiques, culturelles et sociales.La nuit urbaine est en mouvement, en témoigne sa construction progressive en tant qu’objet de recherche scientifique et thème d’action publique. Comme de nombreuses villes européennes, Lyon n’échappe pas à ces transformations qui hissent l’animation nocturne au rang des nouveaux référentiels de la ville internationale, attractive et dynamique.À Lyon, la valorisation de la nuit s’est historiquement structurée autour du thème de la lumière, particulièrement à travers la mise en œuvre du premier plan lumière en 1989 et l’institutionnalisation de la célèbre Fête des lumières en 1999. Par la suite, les actions publiques se sont diversifiées pour s’orienter vers le développement de quelques services urbains, à l’image des premières lignes de bus Pleine Lune ou de l’ouverture d’une crèche de nuit en 2005. Si ces initiatives abordent la nuit comme une temporalité animée, les actions publiques se sont également orientées vers la gestion et la régulation de la vie nocturne. La rédaction en 2006 de la première charte pour la qualité de la vie nocturne, destinée à prévenir les éventuels débordements des activités culturelles et festives, le rappelle. Si Lyon apparait désormais comme une ville de référence dans le domaine de la lumière ou de la gestion urbaine nocturne, son expertise demeure limitée. En effet, les initiatives développées depuis plus de 25 ans sont davantage des actions sectorielles, cloisonnées et juxtaposées dans le temps que des éléments constitutifs d’une véritable politique publique de la nuit. Les enjeux du plan lumière éludent par exemple les pratiques urbaines nocturnes quotidiennes ; les lignes de bus Pleine Lune sont uniquement conçues pour raccompagner les fêtards du centre vers la périphérie de la ville et la charte nocturne propose une vision partielle de la qualité de vie en étant fortement associée au respect des normes et règlements en vigueur et à l’absence de nuisance.Entre animation et apaisement de la ville, il est nécessaire d’aborder la nuit d’une manière transversale en réunissant au sein d’une même réflexion les enjeux liés à la « ville qui dort », à « la ville qui s’amuse » et à la « ville qui travaille » (Gwiazdzinski, 2002). Afin de changer de regard sur la nuit, nous en proposons une lecture innovante à travers le concept de qualité de vie, dont la définition propose de mettre en relation les potentialités d’un cadre de vie déterminé avec les aspirations de celles et ceux qui le pratique au quotidien (Barbarino-Saulnier, 2005). Dans notre cas, il s’agit de s’interroger sur les possibilités et les potentialités de Lyon la nuit en lien avec les aspirations de ceux qui dorment, ceux qui travaillent ou ceux qui s’adonnent à des pratiques ludiques et festives. Interroger les individus et donner du crédit à leurs aspirations parfois contradictoires ou antagonistes permet selon nous de produire une connaissance tangible pour imaginer le devenir des nuits urbaines. Il est alors possible de formuler des pistes de réflexions destinées à intégrer la nuit dans la pratique de l’urbanisme, imaginer les contours d’une politique publique de la nuit, et enfin repenser la place de l’individu dans les processus de co-construction de la ville