« Le démontage de la fiction par l’exposition du médium au XXe siècle : vers une fictionnalisation du réel »

International audienceSelon Rancière dans Le Partage du sensible, à partir du XIXe siècle, le régime esthétique de l’art succède au régime représentatif. Il s’opposerait notamment au principe de fiction : « Au primat de la fiction s'oppose le primat du langage ». Cependant, la problématique de la fiction ne persisterait-elle pas ? Ne serait-il pas plus juste de désigner le phénomène souligné par Rancière comme le passage d’une fiction à l’apparente transparence du médium à une fiction dont le médium est dénudé ? Le langage devient un médium privilégié mais ne constitue cependant qu’un des nombreux intermédiaires possibles. En effet, si dans les arts plastiques, il s’opère une rupture avec la représentation traditionnelle, un mouvement comparable apparaît dans la poésie et dans la littérature, la fiction, en tant que forme mimétique traditionnelle inventée, se trouve profondément modifiée. Certaines pratiques expérimentales font éclater l’œuvre comme continuum et la fiction ne peut plus produire l’illusion d’une œuvre de la nature, à la totalité organique. Les ressorts du médium ne sont plus recouverts : ils sont exposés et exposent alors ceux de la fiction qui ne peut plus fonctionner de la même manière. Exhiber le médium de l’œuvre a un double enjeu, esthétique et éthique, que nous nous proposons d’analyser, sous le prisme du montage. Il est en effet une de ces pratiques qui engendre une mise à nu du dispositif de fiction qui a pour conséquence l’apparition d’un nouveau paradigme : montrer et non plus représenter. La fiction traditionnelle devient une fiction établie sur des fragments de réalité tangible : des prélèvements de matériaux dans les arts plastiques et d’énoncés non littéraires dans la poésie. Quels sont les mécanismes de cette « fiction du medium », comment s’opère la médiation ou la re-médiation que nécessitent les transferts ? Après avoir fait une mise au point sur certains enjeux du montage, nous mettrons en perspective deux réflexions esthétiques liées au montage, celle de Benjamin et celle de Burroughs. La pensée du premier nous semblant pouvoir éclairer la fiction du second à partir des trois axes suivants : la pratique du cut- up à l’aune de l’allégorie, le cut-up comme pratique allégorique ontologique et, pour finir, le feuilletage des temporalités ouvrant à une conception non linéaire de l’histoire