Le titre de monument historique protège-t-il de la disparition ?

National audienceLa parution, en France, de la première « Liste des monuments pour lesquels des secoursont été demandés » apparaît en 1840 comme une réponse au « vandalisme » postrévolutionnaire.Cette expression, extraite d’un rapport de l’abbé Grégoire, fut employéepour critiquer « les dilapidations immenses, […] la cupidité, […] l’orgueil de l’ignorance». Devant la Convention du 14 Fructidor de l’an II, il dénonça alors le pillage et lesdestructions opérés par des vandales, tant sur des bâtiments civils que religieux.Ce rapport permit l’adoption d’un décret en 1794, condamnant « les provocateurs et lesauteurs de dilapidations et dégradations de ces bibliothèques et monumens ». Cependant,après la Révolution française et jusqu’à la Restauration, les destructions perdurèrent.Tandis que les parlementaires débattaient sur l’élaboration d’une législation spécifique,quelques érudits, tels que Maurice Barrès et Marcel Proust, se sont insurgés contre ces« démolisseurs ». Reprenant le souhait, exprimé avec conviction par Victor Hugo, d’élaborerun texte législatif spécifique, le parlementaire Charles de Montalembert sollicitadonc la création d’un cadre réglementaire pour les monuments, similaire aux législationsen vigueur dans d’autres pays européens. En 1887 et 1913 furent promulguées lespremières lois protégeant « les immeubles dont la conservation présente, au point devue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public » et ceux « qui, sans justifier une demandede classement immédiat, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour enrendre désirable la préservation ». Ces textes furent ensuite renforcés ou complétés pardes dispositifs ayant trait au paysage, à l’urbanisme, ou associant plusieurs patrimoinescibles, jusqu’à l’actuelle réforme autour des « sites patrimoniaux remarquables ». Deplus, la protection systématique des « abords », découlant de l’article XXVII de la Conventionde La Haye, participe d’un cadre législatif visant la sauvegarde des monumentshistoriques et de leur environnement urbain ou paysager.En dépit de nombreuses réformes, la législation propre à ces immeubles demeure,depuis cent trente ans, le plus haut degré de valorisation et de protection applicable,impliquant une surveillance accrue des services territoriaux de l’architecture et du patrimoine,auxquels appartiennent notamment les architectes des bâtiments de France.Cependant, cette haute distinction attribuée à plus de quarante-quatre mille monumentsest parfois insuffisante pour garantir la conservation pérenne des biens concernés.Ainsi, dans le cadre d’une thèse en architecture traitant des monuments historiquesradiés, plusieurs cas d’édifices disparus au cours du XXe siècle ont pu être identifiés